Queer avec un Gros Q, en quoi la grosseur est un enjeu queer et féministe

Queer avec un Gros Q, en quoi la grosseur est un enjeu queer et féministe ?

Traduction d'un article de Anna Mollow

Peu après la prise de fonctions de Barack Obama en 2009, la première dame Michelle Obama a lancé une campagne nationale d’amincissement intitulée « Let’s Move! » (« Bougeons ! ») et, par là même, une nouvelle escalade de la « guerre contre l’obésité » déjà profondément enracinée aux États-Unis, semblant surfer sur les thèmes de campagne de son mari, l’espoir et le changement, tout en favorisant nettement le secteur de la perte de poids qui représente 60 milliards de dollars par an dans le pays. 

Tout comme lors des guerres métaphoriques précédentes (contre les drogues et le terrorisme), dans ce combat contre la grosseur, il est difficile de distinguer les héros des ennemis ou, selon les termes rendus célèbres par l’émission de télé-réalité The Biggest Loser, aussi brutale que populaire, de distinguer les grands gagnants des « grands perdants ». Celles et ceux qui poursuivent le combat dans la guerre contre « l’obésité » font parfois preuve d’ambiguïté quant à ce qui (les kilos ?) ou qui (les personnes grosses vues à la télé en train de manger des frites ?) en constituent les cibles. « Détester le péché mais aimer le pécheur » pourrait être le cri de ralliement du combat de l’Amérique contre le vice présumé qu’est la grosseur. Cibles constantes de moqueries, emblèmes pratiques de la « mauvaise santé » et du manque de contrôle, épouvantails d’un avenir dont il faut préserver nos enfants : les personnes grosses sont-elles ce que les personnes queers étaient pour la génération précédente ?

Depuis la création de The Fat Underground en 1973 par les féministes radicales Judy Freespirit et Aldebaran, les militant·es gros·ses s’efforcent de mettre en lumière la nature inséparable de l’homophobie et de la grossophobie. De nos jours, une communauté grosse et queer dynamique met au premier plan cette même intersection. Mais les communautés queers dans leur ensemble n’ont pas encore épousé la cause de la libération des personnes grosses. « Je n’ai pas l’impression qu’en général, l’attitude des gays et lesbiennes quant à la corpulence permet aux personnes grosses de se sentir acceptées, » note la militante grosse et queer Julia McCrossin.

Elle donne en exemple les programmes de perte de poids promus par le Mautner Project (l’organisation nationale lesbienne pour la santé), qui reposent sur la croyance qu’il est mauvais pour la santé d’être gros·se. Il s’agit du premier parallèle entre l’oppression des personnes grosses et l’homophobie : la présomption largement partagée qu’il est question d’une affection dangereuse.

En 1966, le magazine Time décrivait l’homosexualité comme une « maladie pernicieuse ». Aujourd’hui, « une épidémie mortelle » est le cliché le plus courant pour parler d’« obésité ». Les termes « obèse » et « en surpoids », privilégiés par un corps médical qui reçoit de généreuses dotations de la part du secteur pharmaceutique (qui fabrique des médicaments visant la perte de poids) et du secteur des régimes (qui finance la majeure partie des grandes études sur l’« obésité »), et qui a lui-même tout intérêt à pathologiser la grosseur (la chirurgie bariatrique est une affaire de gros sous), donnent l’impression qu’un poids supérieur à la moyenne constitue une maladie. Mais la corrélation entre corpulence et santé est en fait minime. Les risques liés à l’« obésité morbide » ne sont pas plus élevés que ceux liés au fait d’être de sexe masculin, et les personnes « en surpoids » vivent plus longtemps que les personnes de poids « normal ». De plus, l’idée que la grosseur représente un risque pour la santé passe outre un principe élémentaire de l’analyse statistique : corrélation n’est pas causalité. Les petites différences d’espérance de vie entre les personnes de corpulence moyenne et les personnes très grosses ne sont probablement pas dues au poids lui-même, mais plutôt à des facteurs liés à la grosseur : stigmatisation sociale, discrimination économique, ainsi que les effets néfastes des régimes restrictifs et des médicaments visant la perte de poids.

Les conservateurs mettent l’« épidémie d’obésité » dont parlent tant les médias sur le compte d’un manque de volonté individuel, tandis que les libéraux accusent les fast-foods, les repas scolaires riches en calories et les emplois sédentaires. Mais il est peu probable que l’un ou l’autre de ces facteurs soit responsable de notre grosseur. Après tout, les personnes minces regardent la télévision et mangent à McDo elles aussi, et il n’a jamais été prouvé que les personnes grosses consomment plus de calories, ou plus de « junk food », que les autres. Et comme de nombreux livres de qualité l’ont démontré (voir The Diet Myth de Paul Campos et Rethinking Thin de Gina Kolata pour des explications détaillées sur quelques-unes des informations scientifiques présentées dans cet article), nous ne sommes pas au beau milieu d’une « épidémie » de grosseur. Depuis 1990, les Américain·es ont pris, en moyenne, environ 7 kg. Il n’y a guère de quoi s’alarmer, d’autant plus que cette augmentation modeste de notre corpulence collective peut être une bonne chose : une diminution du tabagisme pourrait être l’une de ses causes (arrêter de fumer donne généralement lieu à une prise de poids), tout comme la popularité grandissante de la musculation sous diverses formes (les statistiques sur l’« obésité » sont basées sur l’IMC, qui classe Matt Damon parmi les personnes « en surpoids » et Tom Cruise dans les « obèses »).

La grosseur n’est pas non plus un « style de vie », un qualificatif que les conservateurs emploient souvent à propos de l’homosexualité. La corpulence est avant tout déterminée par la génétique, et si les régimes et programmes d’exercice physique peuvent donner lieu à une perte de poids à court terme, ils ont un taux d’échec de 95 % à long terme. Pourtant, comme les personnes queers vivant avec le VIH ou le SIDA, les personnes grosses sont stigmatisées pour un état de santé dont elles sont tenues pour responsables. Elles font l’objet d’intimidations de la part de conservateurs comme Mike Huckabee, de moqueries de la part de libéraux comme Jon Stewart (à qui il ne viendrait évidemment pas à l’idée de plaisanter sur le dos des lesbiennes ou des gays), de sermons sur leur poids de la part des professionnels de santé, et subissent en plus un déluge de publicités promettant de « soigner » leur prétendu problème.

Ça vous rappelle quelque chose ? Les tentatives menées par la psychiatrie pour soigner l’homosexualité, peut-être ? Les inquiétudes de notre culture quant à l’« épidémie d’obésité », sa promotion d’un régime révolutionnaire ou produit miracle après l’autre, et son intimidation moraliste de celleux qu’elle estime « trop gros·ses » sont aussi propices à la haine de soi que le sont les « thérapies de conversion » visant les personnes queers. Mais alors que les dangereuses thérapies de conversion que les fondamentalistes religieux pratiquent sur les personnes LGBTQ sont à juste titre la cible de contestations politiques et d’interventions de la justice, l’utilisation de thérapies de conversion pondérales approuvées par le corps médical (autrement dit, les régimes) provoque bien moins de remous à gauche. « Let’s Move! », fait remarquer McCrossin, est en fin de compte « une thérapie de conversion, dans une version visant les personnes grosses, sponsorisée par le gouvernement et ciblant les enfants ». Si nous interdisons l’utilisation des thérapies de conversion sur les enfants (une pratique désormais condamnée par l’Association américaine de psychiatrie), pourquoi imposons-nous donc des programmes semblables aux enfants gros, exposant des adolescents, comme on l’a vu récemment, à l’humiliation et aux risques pour la santé qu’implique la compétition pour le titre du « plus grand perdant » ?

Notre psyché collective aurait-elle besoin d’un bouc émissaire ? Les personnes LGBTQ commencent à obtenir une certaine légitimité, alors peut-être faut-il leur trouver des remplaçants, et les personnes grosses (ainsi que d’autres personnes « marginales », comme les musulman·es, les immigrant·es, les sans-abri et les fol·les) font parfaitement l’affaire. S’il existe en nous toustes un besoin psychique profondément ancré qui nous pousse à faire d’un « autre » marginalisé l’objet de notre colère et de nos insatisfactions, alors comment pouvons-nous résister à l’envie d’obéir à cette pulsion ? Ce sont des questions que nous devrions nous poser ; mais au lieu de cela, il semblerait que nous préférions nous lancer dans des discours psychologisants quant à l’incapacité supposée des personnes grosses à résister à leurs envies. Nous parlons avec assurance des causes de la suralimentation (qui concerne forcément les personnes grosses, supposons-nous) : « manger ses émotions », l’« addiction à la nourriture », la grosseur comme « bouclier » face à une sexualité « normale », la nourriture en guise de « substitut à l’amour ».

Ces explications dignes de psychologues de comptoir sont aussi spécieuses que les théories que l’on entendait autrefois sur les « mères dominatrices » et les « pères absents » comme causes de l’homosexualité masculine, ou les « mauvaises expériences avec les hommes » comme prérequis au lesbianisme. Et pourtant, elles font figure de vérités généralement acceptées, même parmi les militant·es féministes et queers. Le poids, on le sait depuis longtemps, est un enjeu féministe ; mais le best-seller éponyme de Susie Orbach (1978, traduit en français en 2017) offre une thèse franchement grossophobe, incitant ses lecteur·ices à réussir une « perte de poids permanente » en apprenant à « régler [leur] compulsion alimentaire ». Læ théoricien·ne queer Lauren Berlant contribue également à la dévalorisation de la grosseur (et peut-être, par mégarde, aux préjugés racistes et classistes) en s’inquiétant des « sous-prolétaires américain·es » et personnes racisé·es qui succombent à une « mort lente » due à l’obésité.

La mort, lente ou rapide, est ce qui nous fait vraiment peur lorsque nous faisons une fixation sur l’« épidémie d’obésité ». Comme l’a écrit Leonard Pitts, chroniqueur progressiste soutenant la cause homo : « nous sommes une nation de gros lards qui se dandinent vers leur perte ». C’est non seulement cruel, mais factuellement inexact : les Américains n’ont jamais vécu aussi longtemps. Cependant, la remarque de Pitts est intéressante car elle clarifie la fonction que le concept d’obésité occupe dans notre culture actuelle. L’obésité et l’homosexualité se ressemblent et se recoupent, les deux termes permettant aux Américain·es de parler par procuration de leurs angoisses à propos de la mort, du handicap et de la maladie. Dès qu’il est question du SIDA, les commentateurs conservateurs dénoncent la « maladie » de l’homosexualité et qualifient l’homosexualité masculine de « culture de la mort ». Si l’on en croit la droite, les sexualités queers représentent une menace pour nos enfants, un risque pour la sécurité nationale et un fléau pour notre avenir. On retrouve le même genre de discours lorsque l’on parle d’« obésité », à gauche comme à droite : les personnes grosses sont accusées de « mourir de trop manger », d’affaiblir notre armée, de surcharger notre système de santé et de favoriser la maladie chez les enfants.

De toute évidence, les revendications homophobes sont indissociables de la peur et de la haine envers les personnes grosses dans notre culture. L’injure « grosse gouine », qui sert à maintenir sous contrôle des femmes de toutes corpulences et orientations sexuelles, est un parfait exemple des intersections profondément enracinées entre grossophobie et homophobie. Le fait est qu’une nouvelle étude, financée au niveau fédéral, cherche à déterminer pourquoi les femmes et jeunes filles lesbiennes et bisexuelles font partie des populations « les plus durement touchées » par l’« épidémie d’obésité ».

Les femmes queers ne sont pas le premier groupe à faire l’objet de ce genre d’attention : les niveaux disproportionnés d’« obésité » parmi les populations latinx et afrodescendantes sont aussi ciblés par différentes interventions de santé publique depuis des décennies. Dans le chapitre qu’elle a rédigé dans The Fat Studies Reader (2009), Bianca D. M. Wilson décrit ce qu’elle ressent en entendant des déclarations sur le thème « c’est mal d’être gros » appliqués aux communautés auxquelles elle appartient : « Cela me rappelle que j’appartiens aux “populations cibles”, les personnes noires et grosses ou lesbiennes… Leur discours sur ma mort prématurée et imminente en raison de ma corpulence se juxtapose à mes expériences et mon travail au sein des communautés noires homosexuelles, ce qui démontre qu’il existe des ennemis bien plus dangereux pour la santé et le bien-être des femmes noires lesbiennes et bisexuelles que la graisse de notre corps, comme la violence, la pauvreté et l’oppression psychologique. » 

Les programmes anti-obésité à destination des personnes racisées et des femmes queers ne peuvent qu’exacerber les problèmes évoqués par Wilson : en renforçant les préjugés grossophobes, ils exposent ces groupes à davantage de violence, de discrimination économique et d’hostilité de la part de la culture dominante. Comme le fait remarquer Margarita Rossi, une militante grosse, queer et latina, dans une interview avec Julia Horel de Shameless Magazine : « la grossophobie sert souvent de prétexte au racisme, et inversement ».

En tant que militant·es antiracistes, féministes et queers, nous devons faire de la libération des personnes grosses un aspect central de notre travail ; nous devons rejeter de façon explicite et sans équivoque l’idée que la corpulence est un « choix de vie » qui peut ou devrait être changé. Et ne nous y trompons pas : il est dans l’intérêt de toustes, quelle que soit notre corpulence, de devenir les allié·es des personnes grosses. Je suis une femme mince, et pourtant, ma vie me donne bien des raisons de combattre l’oppression des personnes grosses. Comme la plupart des femmes, j’ai passé des années terrorisée à l’idée d’être ou de devenir « trop grosse » (ce n’est pas une coïncidence si pendant ces mêmes années, j’avais aussi très peur d’être ou de devenir lesbienne). Ma compagne (et future épouse) est une femme grosse. La vie avec une maladie chronique souvent considérée comme « psychosomatique » m’a appris ce que c’est que de se voir reprocher une condition physique sur laquelle je n’ai absolument pas prise. Un jour, je serai peut-être grosse, moi aussi. Et j’en ai assez des oppressions de toutes sortes : je refuse de participer à la maltraitance d’un groupe entier de personnes sous le simple prétexte que leur apparence ne correspond pas aux idéaux hégémoniques de la « normalité ».

La guerre contre la grosseur, tout comme les tentatives visant à « guérir », « convertir » ou « réparer » les sexualités queers, va échouer. Tout comme (et nous devons nous en assurer) la guerre contre les personnes grosses. Si vous voulez dire que vous étiez du bon côté de ce combat quand la libération des personnes grosses deviendra mainstream (ce qui arrivera tôt ou tard), les possibilités ne manquent pas. Pour commencer, arrêtez les régimes. (Et si vous dites que vous n’êtes pas au régime mais que vous adoptez simplement une « façon de manger plus saine », demandez-vous si vous continueriez à respecter ces restrictions alimentaires si vous saviez qu’elles allaient vous permettre d’être en meilleure santé, mais avec 20 kg de plus.) Évitez tout discours ayant trait aux régimes : prenez conscience que des remarques comme « il faudra que j’en fasse plus à la salle demain pour évacuer ces calories » ou « est-ce que j’ai l’air grosse avec ce pantalon ? » sont aussi problématiques que les craintes que certains vêtements ou accessoires risquent de vous donner l’air queer. Au lieu de complimenter les gens avec des adjectifs comme « menu·e », « mince » ou « svelte », trouvez d’autres aspects qui méritent vos éloges. Faites disparaître les mots « obèse » et « en surpoids » de votre vocabulaire, et remplacez-les par « gros·se », tout simplement.

Commencez à regarder les personnes grosses d’un œil nouveau ; vous remarquerez qu’elles sont aussi belles et sexy que n’importe qui d’autre. Si jusqu’ici, vous aviez exclu les personnes grosses de vos partenaires sexuel·les potentiel·les, incluez-les et excluez plutôt les grossophobes. Partez à la découverte de la blogosphère grosse (ou la « Fat-O-Sphere », comme l’appellent Kate Harding et la contributrice au magazine Bitch Marianne Kirby dans leur fabuleux guide anti-régimes). Profitez des réflexions de Tasha Fierce sur la race, le sexe et la mode grande taille sur son blog, et renseignez-vous sur les avantages immérités de la minceur sur This Is Thin Privilege. Rejoignez un groupe qui lutte à la fois contre le racisme, la grossophobie et les LGBTQphobies (comme NOLOSE ou It Gets Fatter). Soutenez la campagne « I stand against weight bullying » qui conteste le harcèlement des enfants gros validé par le gouvernement. Mangez un cookie. Ou de la tarte. Oubliez la « culpabilité ». Et faites passer le mot : beaucoup de gens n’ont jamais entendu parler de la grossophobie ou de la libération des personnes grosses, mais une fois qu’iels seront au courant, iels sauront, comme vous, ce qu’il faut faire pour arranger les choses. 

Article, publié le 10 mai 2013, disponible en version originale : cliquez ici.

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Quand grossophobie et transphobie se rencontrent

[Cet article est une traduction d’un article en anglais que nous vous invitons à consulter si vous voulez être plus proches de la signification originale. Sachez que notre équipe de traduction a fait de son mieux pour rester proche des idées du texte original. Bonne lecture !]

The Intersection of Fatmisia and Transmisia” – Quand grossophobie et transphobie se rencontrent

TW: Cet article parle de grossophobie, de transphobie, de suicide, de violence envers les personnes trans et contient des interviews de personnes trans assez tristes et dures qui peuvent vous faire sentir vraiment très mal, prenez bien cela en compte si vous continuez la lecture.

Le body positivisme fait-il assez de place aux personnes grosses et transgenres ? Certain-es pourraient dire que non, tout comme les obstacles spécifiques de la transition dont les personnes grosses et trans sont victimes sont rarement évoqués dans les espaces safes de body positivisme.

Quels sont ces obstacles, comment avons-nous échoué à y répondre et comment le faire dans le futur ?

Johnny nous raconte son expérience avec un chirurgien plastique de Denver au Colorado qui l’a laissé “humilié”. Le traumatisme de s’être vu refuser son opération du buste l’a laissé dissocié et quasiment sans emploi.

Quelques semaines plus tard, un autre médecin donne à Johnny le feu-vert pour la chirurgie. Du coup, quelle était la raison du premier chirurgien d’avoir refusé quelque chose d’aussi vital ?

J’étais en surpoids et j’aurais eu l’air bizarre après l’opération si mon estomac avait été plus gros que ma poitrine”, m’a dit le médecin. Johnny, un homme trans réfléchi qui a la gentillesse de répondre à mes questions continues: “c’était à peine voilé et ça semblait vouloir dire“ vous ne serez pas assez attirant pour que l’on soit fier de vous appeler notre patient”

Les personnes grosses et transgenres font face à des obstacles considérables lorsqu’elles cherchent des transitions médicales, incluant les prises d’hormones et les opérations de réassignation, que ce soit par l’attitude des chirurgiens qui refusent de travailler avec elleux ou par celle des médecins qui ont l’impression qu’ils ne feront pas des hommes et des femmes “acceptables”. Pour ces raisons, les personnes transgenres présentent des troubles alimentaires très élevés, plus encore que chez les femmes-cis-hétéro. Un danger de plus menaçant la vie de ces personnes.

Dans leur essai No Apology: Shared Struggles in Fat and Transgender Law Dylan Vade et Sondra Solovay expliquent comment les personnes grosses et transgenres sont contraint-es par le système légal à assimiler des standards cis-normatifs : “Quand on essaie de passer outre ces barrières en utilisant le système légal, non seulement on attend  des personnes grosses et transgenres qu’iel partagent le but de l’intégration, mais ielles sont également contraint-e-s de renforcer les normes de la grossophobie et transphobie pour sécuriser une base de droit légal dans laquelle se complaisent  leurs paires, les personnes non grosses et non transgenres.

C’est un cercle vicieux : l’oppression nécessite une intervention légale et pourtant la personne doit participer à cette oppression jusqu’à ce qu’elle reçoive une protection légale.” Iels l’expliquent : les affaires gagnantes adoptent généralement une posture légale qui renforce les préjugés sociétaux. Les affaires qui défient les préjugés sociétaux perdent généralement.” Iels illustrent cela avec deux affaires de discrimination grossophobe en Californie, John R. de Berkeley et Toni C. de Santa Cruz.

Tout-e-s les deux réclament une indemnisation pour la discrimination subie par rapport à leur poids sur leur lieu de travail. John R. qui a parlé de son surpoids comme de quelque chose de problématique et qu’il ne peut soigner, a gagné cette affaire. Toni C. qui n’était en rien désolée pour son poids a perdu son affaire.

Toni C. a rejeté le point de vue médical de son surpoids et ces arguments étaient sans complexes aucuns. En refusant de situer le problème sur son propre corps, mais plutôt sur le “fat-hating” de la société, Toni perd son affaire.

Cependant, Solovay et Vade débattent du système légal et non médical, après avoir interviewé plusieurs personnes trans qui ont eu leur opération ou prise d’hormones refusée à cause de leur poids, des similarités surprenantes apparaissent.

Beaucoup voient les personnes trans de tous genres comme des défis au genre binaire. Quand iels sont sans complexes à propos de leur genre et de leur corps, iels sont vu-es comme une menace. Quand iels sont gros-ses, beaucoup de médecins et chirurgiens interprètent leurs genres comme déviant et même iconoclaste, et iels peuvent (et font) demander une perte de poids avant de prescrire des hormones ou d’accorder la chirurgie. Mais avec 90-95% de taux d’échec des régimes et un taux de 40% de tentatives de suicide chez les adultes trans, est-ce que ces attentes de perte de poids ne font pas plus de mal que de bien ?

Beaucoup aimeraient supposer que si les médecins refusent aux personnes trans les opérations et les prises d’hormones à cause de leur poids c’est qu’il doit y avoir une solide raison médicale, mais les interviews que j’ai menées semblent indiquer le contraire. Un-e des répondant-e racontait que son médecin disait de la chanteuse Adèle, qu’elle était trop grosse pour être une “vraie femme”, seulement, si elle s’habillait de manière androgyne, les gens pourraient “penser qu’elle était là pour réparer les routes”. D’autres parlent de tests en clinique pour certifier si leur genre est “vrai” ou non, incluant des questions condescendantes comme l’intérêt des hommes trans pour les magazines de mécanique.

L’hétéronormativité était également abordée via les personnes trans et bisexuelles qui signalent que leurs médecins tentaient d’influencer leur orientation sexuelle contre elles pour les convaincre de ne pas transitionner.

Beaucoup ont entendu un chirurgien leur dire qu’iels auraient besoin de perdre du poids, simplement pour qu’un autre leur dise qu’iels ne devraient pas, renforçant ainsi le mensonge des médecins ne pouvant opérer les personnes grosses.

La plupart signalent peu ou pas du tout de support émotionnel de la part de leur médecin après qu’un obstacle basé sur le poids soit placé devant elleux, beaucoup disant qu’à la place on leur prescrivait des pilules régimes.

Tou-te-s parlent de périodes de grandes détresses, pour la plupart avec des idées suicidaires ou tentatives de suicide à la suite de leur refus.

Erin, de Melbourne en Australie, produit un aperçu d’à quel point la grossophobie peut blesser à vie. Erin, un brillant homme trans dans la trentaine, a commencé à chercher une transition médicale à l’âge 19 ans. Il décrit une clinique dont il craint toujours les représailles et ne peut en révéler le nom. On a questionné son genre à la fois dans son rapport à sa bisexualité et à son handicap. On lui a dit qu’il devrait attendre d’avoir “choisi” sa sexualité pour transitionner ou d’attendre “d’aller mieux” sachant que sa maladie est incurable. On a également dit à Erin qu’il ne pourrait pas continuer le programme et se faire opérer sans avoir perdu du poids.

Lorsque j’ai demandé comment j’étais censé perdre du poids étant donné mon impossibilité de faire de l’exercice dû à mon handicap, on m’a répondu “qu’il y avait des pilules à prendre pour ça” et on m’a envoyé voir un médecin”. Erin a été mis sous phentermin, une amphétamine prescrite pour la perte de poids mais également connue pour sa dangerosité.

Ça m’a causé de la tachycardie, il m’était impossible de dormir, ça m’a rendu nerveux et ça m’a fait me sentir vraiment mal.” Alors il a voulu arrêter de prendre cette drogue, mais on lui a rappelé qu’à moins de perdre du poids il ne pourrait pas continuer le programme. Mais il n’y avait pas d’autre programme existant près de chez lui : “J’avais l’impression de n’avoir aucune autres options, du coup j’ai continué à en prendre pendant quelques mois encore. Je suis tombé plus malade encore. Les battements de mon cœur continuaient d’augmenter, je ne pouvais toujours pas dormir et je commençais à ressentir une terrible anxiété. Et je n’ai d’ailleurs perdu aucun kilos durant cette période.”

Erin raconte les longues périodes durant lesquelles il a fortement pensé au suicide, pendant le programme mais également après l’avoir quitté. Même si depuis il a eu son opération et un médecin trans-friendly grâce à un médecin différent dans une autre ville, Erin dit : “Je me sens comme s’il y avait deux versions de moi. Il y a celle où je suis qui je suis actuellement, et il y a une réalité alternative où on m’a donné accès au traitement approprié lorsque j’en avais besoin et lorsque je le souhaitais. Et j’imagine que cette version de moi est plus heureuse, en meilleure santé et qu’elle est une personne mieux adaptée que je ne le suis.”

Juanita, une femme trans, écrit magnifiquement et de manière poignante son expérience à l’Hôpital Académique Steve Biko avec le jury médical quand est venue la décision de lui donner ou non des hormones:

Le Dr Martin l’a informé que le seul problème était ma pression sanguine, mais j’étais en bonne santé et il a recommandé que je commence le traitement immédiatement. J’étais tellement heureuse d’entendre ces mots, mais le prof Lindique brisa mon excitation. “Je ne suis pas d’accord”. C’était silencieux jusqu’à ce que le prof focalise soudainement sur moi. “Combien pesez-vous ?” Inconfortable je répond. “Vous devez perdre au moins 25 kilos avant que l’on puisse vous opérer.” J’étais assise et déconcertée pendant que j’écoutais le prof Lindique et les médecins du département d’endocrinologie argumenter. “C’est ma décision définitive. Dr Khosa, êtes-vous à l’aise à l’idée d’opérer une patiente obèse.” Le Dr Khosa confirma que j’avais besoin de perdre du poids. Le prof Lindique repris: “Je pense inutile de mettre la patiente sous hormones pour le moment. Pourquoi avons-nous besoin de la mettre sous inhibiteurs quand retirer les testicules serait plus bénéfique et plus économique. Nous pourrons, espérons-le, faire la chirurgie dans 6 mois.” Le Dr Martin a essayé une dernière fois de convaincre le prof Lindique avant que mon destin ne soit scellé. J’ai quitté la pièce, les larmes aux yeux. Au moment où j’ai vu JL, je me suis jetée dans ses bras et j’ai pleuré sans retenue.”

Juanita raconte que ces ami-es cisgenres ne pouvaient pas comprendre la sévérité de la décision, alors que ses ami-es trans comprenaient que cela pouvait vouloir dire vivre de manière dysphorique pendant des années encore sans traitement solide et efficace. Ici on peut voir comment un médecin grossophobe suffit à renverser la transition de Juanita et à la mettre dans un état émotionnel dangereusement fragile. Etant donné la menace à laquelle font face les personnes trans qui ne font pas de “passing”, pas seulement de la part des inconnus violents mais aussi de la part des propriétaires refusant de leur louer, des employeurs refusant de les embaucher, des juges ordonnant contre elleux et de la cruelle et banale violence du mégenrage, le traumatisme de se voir refuser des hormones est évidemment au-delà de la démoralisation, c’est dangereux. Etant donné ces médecins qui la plupart du temps s’appuient largement sur de la science décriée, comme la masse d’indice corporelle, et apportent rarement un soutien pour passer outre ces obstacles, les personnes trans doivent souvent se débrouiller seul-e avec un pronostic injuste. Amy Tysoe raconte que ses médecins lui ont dit que son opération serait suspendue jusqu’à ce que son IMC soit en-dessous de 35, chirurgie en-dessous de 30, et son médecin ne pouvait ou ne voulait même pas faire le calcul inverse pour lui donner un poids cible.

Compte-tenu de ces informations, pourquoi le body-positivisme (Avec mon plus grand respect pour Shay Neary, l’incroyable modèle transgenre plus-size) est-il si massivement cisgenré ?

Dans ses écrits à propos de la biographie d’Oscar Zeta Acosta, Marcia Chamberlain fournit quelques aperçus de comment le mouvement fat positif a déçu les personnes racisées. “Le mouvement, dont il est clair qu’il n’était concerné que par un seul soucis durant les années 1970, demandait implicitement que soit laissé à la porte sa couleur de peau.” Elle continue en ajoutant “Mais le classement des oppressions a créé des situations difficiles pour les personnes comme Acosta dont les stigmates ne pouvaient pas être nettement délimités et jugés sur une échelle de 1 à10. Il est intéressant de noter que si les personnes grosses étaient absentes des positions de leader au sein du mouvement de Chicago, l’opposé était également vrai, la plupart des porte-paroles pour le fat power des années 70 étaient blancs.”

J’aimerai avancer que pendant que les problèmes de race prévalent encore dans la communauté fat positive, nous devons également composer avec des problèmes de genre et de représentations. Comment traitons-nous les personnes trans et grosses parmi nous ? Quand nous parlons de fat-body-positivisme est-ce que nous incluons les besoins des hommes gros et trans, des personnes non binaires et grosses et des femmes trans et grosses ? Est-ce qu’on se concentre sur leurs besoins spécifiques ou est-ce qu’on se concentre sur les besoins qui nous affectent “tou-te-s”.

Shay Neary souligne, concernant un autre point de désaccord pour les femmes grosses et trans, que : “aussi, pourquoi est-ce les femmes trans ont des rdv pour des shooting mais qu’on les met en costumes ? [l’industrie] veut toujours que les femmes trans ait un peu l’air masculines parce que c’est en quelque sorte plus fashion, si tu n’es pas androgyne, si tu es trop féminine ou masculine, ils ne veulent pas te donner de rdv, ils veulent que les gens sachent que tu es trans, comme ça ils peuvent l’inclure dans les sorties de presse etc etc. Ça finit en l’exploitation de mon identité pour que le designer soit bien vu”

Avec cela en tête, comment pouvons-nous appréhender les enjeux de la transidentité de la même manière que le militantisme cis-fat, sans pour autant les exploiter ?

Je crois que le meilleur moyen d’y parvenir est d’élever leurs voix, mais aussi de focaliser, comme les militant-es le font, sur les problèmes qui affectent spécifiquement les personnes grosses trans et seules, comme le refus d’opération dû au poids. Lorsque l’on débat de comment le gros est féminisant sur les hommes, nous devons prendre en compte de comment cela blesse spécifiquement les hommes trans. Quand on débat de comment le gros non-genre les femmes nous devons saisir avec quel réel et sérieux danger cela place les femmes trans face à la violence cis-genre.

Nous devons également comprendre les réalités du gros pour le corps trans en écoutant les personnes trans et grosses.

S. Bear Bergam écrit dans Part-Time Fatso “Ironiquement, c’est mon poids pour lequel je suis parfois le plus reconnaissant, quand je veux que le monde me voit tel un homme. Ma large carrure et la relative facilité avec laquelle je la meut dans ce monde sont transgressives et inhabituelles pour une femme élevée dans cette culture. J’ai une grande foulée, je garde la tête haute. Et ces seuls facteurs suffisent parfois à placer dans la catégorie masculine  l’échelle de perception. Ma circonférence et ma largeur permettent à ma petite poitrine d’être perçue comme des “seins d’homme”, et mon visage de grande envergure Ashkénaze d’avoir l’air autoritaire et masculin plutôt que d’un balabusta avec un rhume de cerveau. [Expression Yiddish signifiant « personne au foyer »] Ma grosse incapacité enfantine à m’asseoir les jambes croisées sur les genoux, et tous les problèmes que ça a causé pendant les années durant lesquelles j’étais encore engoncée dans les robes et des jupes, ont créé – à travers le miracle de la rébellion adolescente – une habitude de m’asseoir avec les jambes croisées, chevilles sur les genoux dans un style traditionnellement masculin, de porteur de pantalon”

Cependant, là où Bergam trouve que son surpoids accentue son genre, beaucoup d’autres, y compris Katelyn Burns, ne le trouve pas. Dans sa magnifique pièce, Burns raconte comment la grossophobie l’a découragée à transitionner. “Les mots de Forest correspondaient à mon dialogue intérieur : Tu es trop grosse, tu es trop grande, tu es trop chauve pour être une femme”. Etant donné la façon dont les personnes trans sont très souvent refusées à l’accès médical transitoire, aucun-e ne peut être surpris-e par la peur de Burn. Quand votre véritable vie dépend de l’approbation des autres vous n’êtes pas laissé-e avec un “choix” mais plutôt devant un insurmontable mur que vous devez escalader ou mourir. Pour beaucoup le mur est simplement trop grand.

En effet, beaucoup de personnes trans expriment un découragement considérable en discutant de leur poids et de la transition médicale. En conséquence, Erica n’a pas cherché à faire son opération parce qu’elle savait qu’on lui demanderait de perdre  90 livres pour ça. Un obstacle qu’elle trouvait ingérable avec sa dépression. “Ce n’est pas vraiment un choix que je peux faire. Sauter un simple repas fait de moi un morceau inutile simplement gisant dans son lit.” Ses sentiments font écho à ceux d’Erin, dont le handicap l’a laissé sans choix, confronté à la phentermine et à une vie de maladie aux effets secondaires et au suicidaire risque de dysphorie.

Peut-on encore appeler cela un choix ?

C’est un sujet qu’en tant que militante cis-grosse j’ai combattu par le passé. Nous devons reconnaître la terrible pression que subissent les personnes trans pour perdre du poids et nous devons soulager cette pression.

Les statistiques montrent que les régimes ne fonctionnent tout simplement pas, et que cette diète décourage les personnes faisant un régime,  les rendant plus susceptibles de reprendre du poids. Il n’y a rien de mal à être gros-se mais il y a définitivement quelque chose de terrifiant à être dysphorique et sous-traité-e à cause de son corps.

Les personnes grosses et trans peuvent chercher un recours légal, malheureusement difficile à trouver, à travers l’American Disabilties Act.

Dans le sixième circuit [une des 13 cours d’appel des USA] il a été décidé que les personnes grosses ne pouvaient être qualifiées comme handicapées sans avoir pu prouver qu’un handicap sous-jacent était la cause de ce surpoids.

En d’autres termes, qu’importe à quel point vous êtes gros-se, ou si ce surpoids impacte votre mobilité, dans le sixième circuit, si vous ne pouvez pas prouver d’où vient votre surpoids, vous n’êtes pas handicapé-e. Sous cet angle, en mettant de côté la maltraitance des personnes grosses et handicapées, cela ferme l’un des rares chemins possibles au recours légal.

Le fat-positivisme et le body-positivisme sont à un croisement où ils feraient bien de décider s’ils continuent d’être cis blanc et validistes, ou s’ils embrassent la libération pour tous. Qui allons-nous entendre dans ces cercles de fat-positivisme ? Quelles voix vont s’élever ? Et pourquoi ?

C’est pourquoi nous devons continuer à rendre nos espaces plus inclusifs, nous devons nous rappeler les raisons pour lesquelles nous faisons cela. Pas pour avoir des cookies. Pas pour être félicité-es pour daigner inclure des personnes grosses et trans, des personnes handicapées et des personnes de couleur. Plutôt parce que nous sommes tous et toutes prisonniers/ères d’une machine précaire qui vole nos valeurs d’origine et nous segmente en hiérarchies des corps, et jusqu’à ce qu chacun-e soit libre, jusqu’à ce que la/le plus marginale d’entre nous soit libre, aucun-e de nous ne sera libre.

Normalement je mets ici mon pot à pourboires mais si cet article vous a plu, je vous suggère de donner à l’une de ces personnes sur twitter #TransCrowdFund ou de faire un don à The Trans Lifeline.

Merci à Val’ pour cette traduction

Crédit Illustration Tumblr Lethevivus

 

Caroline, 20 ans, Genderfluid

Je m’appelle Caroline, j’ai 20 ans et je suis genderfluid.

J’ai toujours été en surpoids, mais suite à une grossesse, TCA et dépression je suis actuellement à plus de 90kilos pour 1m60. Je fais du 44 en pantalon. Je me situe plutôt au milieu du spectre de la gros.se personne. Je considère une personne comme gros.se lorsqu’elle ne correspond plus aux normes sociales (donc d’un pdv socio plus que médical/santé). Disons quand la personne se situe au dessus du 40 « moyen ».

Souffrant de TCA et étant donnée l’apologie de la maigreur je comprends qu’une personne mince ou ‘socialement convenable/normale’ puisse se sentir « grosse » sans l’être pour autant. Ce qui stigmatise et oppresse d’autant plus les personnes gros.ses. La vision d’elleux-même est biaisée par des normes et idéaux dangereux (et/ou TCA ou autres).

Comme dis plus haut j’ai toujours été en surpoids et gros.se. Les médecins m’ont fait débuter des régimes dès l’enfance. J’ai toujours eu un rapport conflictuel/obsessionnel avec la nourriture et le fait de manger.
J’ai toujours été gourmande, j’aime manger. Et mes TCA (boulimie entre autre) ont accentués mes problèmes de poids.

J’avais perdu tous mes ‘kilos en trop’ avant ma grossesse et ai tout repris après celle-ci, voir même bien plus.

MEDICAL

J’ai des antécédents de dépressions nerveuses et d’addictions qui ne sont pas liées à mon poids. En revanche, je souffre de TCA et de phobie sociale qui elles y sont liées.

J’avais entre 11 et 13, je consultais mon médecin pour un contrôle de routine. Et à cause de mon poids.

Je ne me souviens pas des termes, ni même du nom de ce medecin. Simplement j’ai eu droit à un discours moralisateur sur mon corps, mon poids, et des prospectus sur différents régimes. S’en est suivi des séances chez une nutritionniste où je n’osais même pas répondre honnêtement aux questions de crainte d’être jugée ou punie. (par exemple : « choisir une image correspondant à la quantité que vous prenez lors d’un repas »)

Ce sont les gynécologues que je redoute le plus, bien que tous les intervenants du corps médical m’effraient.
Le fait de lier mon aspect physique, mon poids et ma sexualité (non-normée qui plus est) me paralyse. J’ai peur de consulter pour ces raisons.
Sans compter le fétichisme malsain des personnes gros.ses ou simplement le dégoût lié au corps nu et à la sexualité des gros.ses

Les pesées systématiques, les tiques au moment du résultat, les injonctions à perdre du poids, les conseils à deux ronds, le fait de ne pas pouvoir quitter le cabinet sans pleins de papiers sur les régimes, l’hygiène alimentaire ect.. Ce sont autant de comportements récurrents que j’ai noté chez les soignants.

Je eu le privilège de « rentrer dans moule » des outils médicaux jusqu’à présent. Mais il y aurait matière à approfondir. J’ai eu un rdv anesthésiste pour une péridurale. Le RDV était correct.

Que le medecin propose d’ouvrir la conversation sur mon poids, de manière délicate et non-jugeante pourquoi pas. Par exemple demander simplement si mon poids me convient ou si je souhaite perdre de poids en insistant sur la non-necessité d’en parler ou de mettre en place un protocole spécifique aux gros.ses.

C’est délicat, je n’ai pas envie qu’un medecin me parle de mon poids dans un sens. Si une personne gros.se veut en parler elle viendra de son plein gré et la consultation sera dédiée à la question du poids uniquement. Mais pourquoi pas laisser un ouverture pour les personnes qui n’osent pas en parler. Par exemple j’aurais beaucoup de mal à aborder le sujet de peur d’être jugée quand bien même j’aurais envie de débuter un rééquilibrage alimentaire et/ou suivi TCA contrôlé en vue de perdre du poids. Le fait d’ouvrir le sujet en toute bienveillance et sans jugement peut être une solution. Du moment qu’il n’y a pas d’injonction à suivre un régime/perdre du poids sous quelconque prétexte.

ESPACE PUBLIC

L’espace public, pour moi, c’est tout ce qui n’est pas chez moi ou personne que je sais respectueuse et non-jugeante, de confiance. Si bien que la notion de privé/public dans ce contexte est particulière. Je peux me sentir en public et vulnérable chez une personne privé si je me retrouve exposée au regard des autres.

Je m’y sens mal à l’aise et énorme comme piétinant sur l’espace des autres physiquement. Jugée et moquée.

Avant je prenais les transports en commun par nécessité car pas le permis mais je limitais tellement que je préférais faire des kilomètres à pied sous la pluie plutôt que de prendre les transports en commun. Depuis le permis+véhicule je les fuis encore plus.

Les équipements publics sont prévus et adaptés en fonction des normes sociales, soit pour des personnes non gros.ses et non-handicapé.es. Cabines/ascenseurs/passages/sièges (ciné, lieu public) trop étroits par exemple

Donc je fuis l’espace publique

” Grosse, boudin, moche, thon,  faudrait vraiment être défoncé-mort pour vouloir se la faire ” et autres dans le genre, ce sont autant d’insultes auquelles j’au eu droit dans l’espace public. Beaucoup de regards méprisant et personnes qui parlent de moi entre-elles. On m’a déjà craché de l’eau au visage sans raison et une personne à hurlé d’effroi en se retournant vers moi.
Les humiliations en cours de sport sont un mauvais souvenirs également.

DEMAIN

Pour l’avenir, je souhaite une acceptation à grande échelle et plus, beaucoup plus de visibilité (médias, mode, opportunités, travail ect….). Des équipements adaptés et du choix ! (vêtements entre autre)

Un réel travail d’éducation (grand publique mais également corps médical et sportif).

Et aussi sur tout ce qui concerne la sexualité des personnes gros.ses.