Le problème avec The Whale

The Whale : c’est quoi la polémique ?

Le pitch : Dans une ville de l’Idaho, Charlie, professeur d’anglais souvent reclus, en obésité morbide, se cache dans son appartement et mange en espérant en mourir. Il cherche désespérément à renouer avec sa fille adolescente pour une ultime chance de rédemption.

Réalisateur : Darren Aronofsky

Scénario : Samuel D. Hunter

La polémique :

On pourrait penser que The Whale va permettre aux spectateur‧ice‧s d’être dans l’empathie avec Charlie, le personnage principal enfermé chez lui par des troubles du comportement alimentaire violents et victime d’une grossophobie ignoble.

Ca n’est pas le cas : le réalisateur s’assure, dans sa manière de tourner et de raconter l’histoire, que Charlie, l’homme très gros, passe pour un être faible et sans volonté.

Le nom même du film : The Whale (la baleine) est à double sens: d’une part, il fait référence à l’obsession de Charlie pour le roman classique Moby Dick. Mais il évoque surtout la grossophobie dont le personnage est victime et les moqueries dont il souffre.

Dès la première scène qui dépeint Charlie qui suffoque tout en se masturbant devant du porno gay, on comprend le ton du film : il s’agit de faire du gros un personnage avide, enclin à céder à toutes les tentations : c’est une vision profondément moraliste qui se pose sur Charlie. Les scènes humiliantes s’enchaînent sans répis : Charlie suinte de gras de poulet, Charlie tranpire à grosses gouttes en mengeant, Charlie est un ogre.

Ce qui est reproché au réalisateur c’est de dépeindre Charlie et sa grosseur de manière abusive et fantasmatique. Charlie devient un épouvantail qu’on agite pour faire peur aux personnes minces ou aux enfants : si tu manges des bonbons tu finiras comme le monsieur, seul, transpirant et proche de la mort à chaque mouvement. Charlie, c’est le cauchemar grossophobe de la société. Pas la réalité.

Il est intéressant de noter que Charlie est un personnage très gros et homosexuel. L’acteur choisi pour le jouer est mince et hétérosexuel. Il vient d’ailleurs de reccevoir l’oscar du meilleur rôle.

Brendan Fraser joue en portant un “fat suit”, un costume d’homme gros, après des heures de maquillage, d’effets spéciaux. Dans une société où les acteur‧ice‧s gros‧se‧s peinent à travailler, on peut se poser la question de sa légitimité.

Le film est un enchaînement de scènes très humiliantes, et filmées de manière crue et violente. Le corps de Charlie est là pour faire peur aux spectateur‧ice‧s.

Rien (ni personne) ne peut sauver Charlie de lui-même, voilà le message du film : les personnes grosses sont renvoyées à leur ignominie, à leur monstruosité, et à leur responsabilité dans leur malheur. La grossophobie des autres, les troubles mentaux de Charlie sont évoqués, mais sans suite.

Le réalisateur s’est exprimé à de nombreuses reprises pour dire qu’il était fier d’avoir fait un film qui compatit avec les personnes grosses. Pour répondre aux accusations de grossophobie, l’équipe du film répond en brandissant un partenariat avec une fondation de lutte contre l’obésité : l’OAC, Obesity Action Coalition. Quand on s’intéresse à cette fondation, on s’aperçoit qu’elle est financée principalement par : Allergan (une société de production d’anneaux gastriques), l’American Society for Metabolic Bariatric Surgery (une fondation pour la promotion de la chirurgie de l’obésité), Covidien (une société de promotion de la chirurgie de l’obésité), Eisai (un laboratoire qui fabrique un médicament contre l’obésité désormais retiré du marché), Vivus, un laboratoire qui fabrique un médicament contre l’obésité. Ce n’est donc pas une fondation de lutte pour la meilleure prise en charge médicale des personnes grosses ou contre la grossophobie, mais une fondation de promotion de l’amaigrissement par des méthodes dangereuses. 

Le film a donc une vision vraiment grossophobe, comme le rétorque l’activiste Aubrey Gordon : “Si la seule façon d'”humaniser” une personne très grosse est de la regarder, humiliée, terrifiée, honteuse et tuée d’une manière stéréotypée et stigmatisante, il est temps de réfléchir sérieusement.”

 

Pour aller plus loin :

Une critique par le site Le Bleu du Miroir

La critique de Libération 

En anglais :

What to Know About the Controversy Surrounding The Whale

The Cruel Spectacle of ‘The Whale’ par Roxane Gay

The Whale is not a masterpiece – it’s a joyless, harmful fantasy of fat squalor dans The Guardian par Lindy West

The Whale’s Point of View, Kate Manne Writer & philosopher at Cornell

When Whales Fly On the horror of your horror : Carmen Maria Machado, autrice

The Whale is a horror film that taps into our fear of fatness

 

 

 

Groupe de parole : Grosseur et transidentité, dimanche 27 novembre 18h

Dans un cadre bienveillant et safe (le groupe sera animé par une personne transmasculine bénévole de Gras Politique), nous aborderons le sujet de l’intersection entre la grosseur et le genre, entre grossophobie et transphobie.
Comment se questionner sereinement sur son genre quand notre corps est déjà pensé hors de la norme ? Comment aborder les étapes médicales possibles d’une transition dans un climat de grossophobie médicale ? Comment trouver les bonnes ressources ?
Ce groupe de parole concerne les personnes grosses et non cisgenres, ou les personnes grosses qui se questionnent sur leur genre.
Ce groupe de parole n’est pas un groupe de parole pédagogique pour les allié.e.s.
Rejoignez-nous le : Dimanche 27 novembre 2022 à 18h
Vous recevrez le lien de connexion suite à votre inscription, dans le mail-billet.
Pour rappel : Les groupes sont informels et ne sont pas organisés par un·e thérapeute. Nous nous appuyons sur la communauté et le partage de nos expériences.

 

Appel à la manifestation : 19 novembre 2022

Le samedi 19 novembre, Gras Politique appelle à la manifestation pour la fin des violences sexistes et sexuelles à Paris, et à honorer le 25 novembre, date de la journée mondiale de lutte contre les violences à l’égard des femmes.

Nos grosses vies comptent autant que les vôtres, il est urgent de prendre en compte la spécificité des discriminations liées au corps gros pour que toutes les femmes et que toutes les personnes violentées par les hommes et le patriarcat puissent trouver un véritable refuge au sein de toutes les associations féministes, dont nous reconnaissons l’immense travail sur les autres terrains de lutte.

Dire la sororité ne nous suffit plus, nous voulons vous former, nous voulons vous parler, nous voulons être reconnues par nos soeurs et nos adelphes de lutte. 

Gras Politique rappelle que les femmes grosses subissent des violences spécifiques liées à la grossophobie, et encourage vivement les associations féministes à ne pas oublier les victimes de la grossophobie dans leurs décomptes. 

La grossophobie est une discrimination qui frappe d’abord les femmes et les minorités de genre, toutes celles et ceux qui sont soumis.e.s aux violences patriarcales, toutes celles et ceux qui dérogent à l’ordre du corps performant et bankable, toutes celles et ceux qui sont humilié.e.s dans leurs parcours de soins à cause de leurs poids, toutes celles et ceux dont on refuse de prendre la plainte pour viol car ‘on ne viole pas les monstres’, toutes celles et ceux à qui on refuse la contraception sous prétexte de leur apparence, toutes celles et ceux qui n’osent pas dire les violences trop persuadé.e.s d’être interdit.e.s de dignité, toutes celles et ceux qui vivent des parcours de maternité, de parentalité ou de transernité interdits ou mis en danger par la grossophobie médicale et le manque de moyens accordés à la prise en charge des corps gros, toutes celles et ceux qui se verront opposer leurs poids comme argument refus à l’humanité, toutes celles et ceux qui se verront empêché.e.s dans la prise en charge de leurs maladies chroniques, dans l’amélioration de leurs vies, dans leurs parcours de transitions, pour cause de surpoids et d’obésité. 

Les victimes de viols et de violences sexistes et sexuelles grosses sont nombreuses, mais elles sont mal aidées, mal connues, mal comprises et mal écoutées. La grossophobie rampante qui persiste partout dans notre société, dans nos institutions judiciaires comme médicales, dans nos associations féministes comme dans nos milieux LGBTQI+ est une honte. Votre silence est une honte.

Nous appelons donc à manifester le 19 novembre à Paris suite à l’appel de Nous Toutes, mais nous n’oublions rien de vos oublis, de vos arrangements, de vos invisibilisations de nos luttes, de nos drames, de nos douleurs et de nos existences. 

Nous les gros.se.s, nous sommes puissant.e.s, nous sommes fier.e.s, et nous ne nous laissons plus faire. 

 

Groupe de parole : santé reproductive et sexuelle, 23 octobre 2022 18h

Dans un cadre bienveillant et safe (nos deux bénévoles y veilleront), nous aborderons le sujet encore trop tabou de la santé reproductive et sexuelle, toujours en lien à la grossophobie.
Grossesse désirée ou non, contraception, protection, grossophobie médicale, SOPK, consentement, autant de sujets à aborder ensemble !
Ce groupe de parole aura lieu en non-mixité : les hommes cisgenres ne sont pas les bienvenus, une prochaine fois :)
Rejoignez-nous le : Dimanche 23 OCtobre 2022 à 18h.
Vous recevrez le lien de connexion suite à votre inscription, dans le mail-billet.
Pour rappel : Les groupes sont informels et ne sont pas organisés par un·e thérapeute. Nous nous appuyons sur la communauté et le partage de nos expériences.

[Signataire] Tribune : Pour une alliance féministe et trans

 

Retrouver la tribune ici et sur Mediapart

Suite à la publication par le Planning Familial d’une affiche à destination des hommes trans dans le cadre de leurs grossesses, des militantes s’opposant aux droits des personnes trans au nom du féminisme signaient, ce 22 août, une lettre ouverte adressée à la Première ministre, Élisabeth Borne, dans l’hebdomadaire Marianne.

Nous, féministes, refusons cette instrumentalisation des droits des femmes, luttons contre toute opposition entre féminisme et luttes trans et condamnons sans appel ces discours s’inscrivant dans une offensive réactionnaire.

L’utilisation d’arguments fallacieux

Les militant·es anti-trans dénoncent une essentialisation des femmes de la part d’un prétendu « transactivisme », tout en réduisant les femmes à leurs simples organes génitaux. Cette définition contredit la majorité des écrits féministes produits depuis les années 1960. On ne naît pas femme, on le devient. De même, ce que l’on désigne comme le sexe recouvre un ensemble de facteurs qui dépasse la binarité imposée depuis des siècles.

Être une femme ne découle pas de la seule assignation sexuée, mais d’une exploitation qui prend plusieurs formes : économique, domestique, sexuelle. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les militant·es anti-trans, les femmes trans sont aussi exposées à ces exploitations et aux violences sexistes et sexuelles. Il n’y a pas de condition universelle de “la femme” mais un ensemble d’expériences diverses selon les positions sociales de chacune.

En faisant reposer leur argumentaire sur la méconnaissance du grand public des luttes et vécus des personnes trans, les militant·es anti-trans diabolisent les parcours de transition. Iels font preuve d’une malhonnêteté intellectuelle jouant notamment sur la peur vis-à-vis des enfants trans. La dysphorie de genre deviendrait alors un trouble mental, les opérations, des mutilations, et le soutien du personnel médical et de la communauté trans, des thérapies de conversion. Comme lors du mariage pour tous, la protection des enfants devient un faux-nez derrière lequel iels se cachent pour peser dans le débat public contre les personnes trans.

Les droits trans sont indissociables des droits des femmes

La période politique actuelle voit un violent retour de bâton s’abattre sur les droits des femmes, alors que le gouvernement français maintient en poste des ministres accusés de viols. Ailleurs dans le monde, le droit à l’avortement est bafoué, en Pologne et aux États-Unis notamment. Avec 89 député·es RN à l’Assemblée nationale, nous ne sommes pas exempts d’une attaque d’une telle ampleur. Il est plus que jamais important de ne pas se tromper de combat.

Aux États-Unis, l’attaque sur le droit à l’avortement a été précédée par de nombreuses lois anti-trans : dans l’Ohio, la loi Save Women’s Sports Act prévoit qu’en cas de doute sur le sexe d’une élève, celle-ci doit subir un examen intrusif pour prouver son sexe. Dans tous ces cas, il s’agit d’une attaque sur le droit des personnes à disposer de leur corps. L’arrivée d’attaques similaires contre les personnes trans en France nous laisse présager un sort semblable à celui des États-Unis.

La vision essentialiste des femmes que promeuvent les militant·es anti-trans est partagée par les théoricien·nes réactionnaires et les masculinistes. Il n’y a pas de surprise à ce que ces deux groupes aient coopéré et que l’extrême droite soit le premier relais des publications anti-trans.

Quelles perspectives pour les mouvements féministes et trans ?

Peu importe que les transitions paraissent incompréhensibles ou abstraites, les personnes trans ne sont pas un exercice de pensée destiné à interroger ce qui définit les rôles masculins et féminins.

La situation politique actuelle oblige le mouvement féministe à se positionner en soutien des revendications des personnes trans. Assister sans prendre parti n’est pas une option. Ne pas se revendiquer anti-trans ne suffit pas, il faut activement exiger avec les trans et avec les féministes, l’émancipation trans.

Nous revendiquons l’autonomie des parcours de transition, la simplification de l’accès aux procédures administratives, la formation du personnel de santé, l’accès aux soins de transition et le remboursement intégral.

Nous demandons l’ouverture réelle de la PMA aux personnes trans et la facilitation de la filiation administrative pour les parents trans.

Nous appelons à un soutien massif aux associations venant en aide aux personnes trans et à une hausse des subventions pour garantir la pérennité de leurs actions.

Nous défendons une approche matérialiste des questions trans, c’est-à-dire qui ne soit pas empêtrée dans une approche essentialiste de la féminité, se basant sur les expériences des personnes trans et non sur ce qu’en fantasment les réactionnaires.

Nous réclamons de la part de la presse et des médias qu’ils prennent leur responsabilité dans la manière dont ils ont de représenter et de diffuser les discours sur les personnes trans.

Nous exigeons un soutien clair, économique et institutionnel des acteurs politiques aux personnes trans et à leurs droits.

Nous nous dressons contre l’instrumentalisation par intérêt anti-trans des parcours des lesbiennes et des personnes qui ont détransitionné.

Nous nous opposons à la discorde que certain·es essayent de pousser entre féminisme et droits trans.

Nous appelons au soutien actif de toutes les forces se revendiquant du féminisme envers les personnes trans.

Voir les signataires

Notes :

1. Butler, Judith, Trouble dans le genreLe féminisme et la subversion de l’identité, 1990, trad. Cynthia Kraus, La Découverte, 2005.

2. https://williamsinstitute.law.ucla.edu/press/ncvs-trans-press-release/ consulté le 26/08/22 à 16h40.

3. https://www.mediapart.fr/journal/france/170522/mineurs-trans-des-groupuscules-conservateurs-passent-l-offensive consulté le 26/08/22 à 16h15.

4. https://www.liberation.fr/politique/affaire-abad-un-doute-qui-naurait-pas-du-etre-ignore-20220523_2RFUBX25V5GWVFQMIG4IF5LCYY/ consulté le 26/08/22 à 16h24.

5. https://www.cnbc.com/2022/06/24/roe-v-wade-overturned-by-supreme-court-ending-federal-abortion-rights.html consulté le 26/08/22 à 16h43.

6. Save Women’s Sports Act, consulté le 26/08/22 à 16h35. https://web.archive.org/web/20220605055717/https://search-prod.lis.state.oh.us/solarapi/v1/general_assembly_134/bills/hb151/PH/02/hb151_02_PH?format=pdf

7. https://wikitrans.co/2020/01/12/commencer-un-traitement-hormonal/, consulté le 26/08/22 à 17h46.

8. https://www.liberation.fr/societe/sexualite-et-genres/detransitions-de-genre-jen-ai-marre-quon-dramatise-comme-si-cetait-la-fin-du-monde-20220712_RS5SX5IF3NALXKEGPKQSACKESQ/ consulté le 02/09/2022

Groupe de parole : Partir en grosses vacances, dimanche 25 septembre à 18h

En ce mois de septembre, synonyme de retour de congés pour beaucoup d’entre nous, Gras Politique fait sa rentrée.
Quoi de plus logique, donc, que de proposer un temps d’échange, via Zoom, sur le thème des vacances !
Dans un cadre bienveillant et safe (nos deux bénévoles y veilleront), nous aborderons ensemble nos difficultés, nos victoires, nos vécus et pourquoi pas quelques astuces pour organiser et vivre de manière plus sereine les vacances quand on est gros.sses.
Rejoignez-nous le : Dimanche 25 Septembre 2022 à 18h.
Vous recevrez le lien de connexion suite à votre inscription.
Pour rappel : Les groupes sont informels et ne sont pas organisés par un·e thérapeute. Nous nous appuyons sur la communauté et le partage de nos expériences.