Retrouvez ici une brochure en pdf de sensibilisation à la grossophobie à l’école. Elle reprend synthétiquement tous les éléments évoqués cet l’article
A glisser dans tous les casiers de profs ;)
Retrouvez ici une brochure en pdf de sensibilisation à la grossophobie à l’école. Elle reprend synthétiquement tous les éléments évoqués cet l’article
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Nous avons été convié·e·s, par le syndicat Sud Education, à proposer un temps de formation sur la grossophobie en milieu scolaire à de nombreux·ses professionnel·le·s de l’éducation. Ce temps a été enregistré, voilà un récap de nos pistes de réflexions. N’hésitez pas à nous faire part de vos retours d’expérience !
La grossophobie en milieu scolaire est un élément important dans nos luttes contre les discriminations grossophobes. En effet, selon l’OMS, 63% des enfants gros·ses risquent d’être victimes de harcèlement et 75% des enfants de moins de 10 ans associent le fait d’être gros·se à quelque chose de négatif. Les personnes grosses représentent environ 15,3% de la population adulte française et 4% des enfants âgé·e·s de 6 à 17 ans. Il est donc essentiel de donner un sentiment d’inclusion et de respect de leur personne à ces enfants concerné·e·s par les oppressions grossophobes. Comptez-vos élèves, si vous avez, plus ou moins, 4 élèves pour 100 qui sont gros·ses, le compte est bon. Ce chiffre peut varier selon la zone où vous enseignez. Il y a un lien entre précarité et grosseur ce qui peut faire diminuer ou augmenter ce chiffre selon l’établissement, mais aussi selon la zone géographique. Souvent, les régions où le taux de chômage est le plus élevé sont aussi les régions où l’on retrouve le plus de personnes grosses. La grossophobie est aussi une discrimination genrée, ce sont les femmes et les jeunes filles qui en pâtissent le plus. Par exemple, chez les filles, l’âge moyen du premier régime est de 8 ans. Mais il existe aussi d’autres impacts, par exemple, notamment au niveau de l’accès à l’embauche. En effet, selon Jean-François Amadieu : “à compétences égales, pour un poste dans l’accueil, une candidate en surpoids a six fois moins de chance [d’être embauchée]. Les principales victimes de ces discriminations sont les femmes”. Ces différences genrées se reflètent également dans les chiffres liés aux chirurgies bariatriques : 80% des personnes opérées sont des femmes, contre 20% qui sont des hommes. Les femmes ont également recours à ces chirurgies à un poids moindre que celui des hommes. La pression sur les corps des femmes est donc plus importante. Il est donc essentiel d’agir pour diminuer au maximum les violences grossophobes que les personnes grosses peuvent subir, et cela passe également par la prévention, la sensibilisation et l’action en milieu scolaire.
Le harcèlement scolaire étant très présent chez les personnes grosses, le taux de tentatives de suicide peut être augmenté. Dans certains témoignages de harcèlement, il s’avère que l’équipe pédagogique a participé, consciemment ou non, à ce harcèlement. Il faut donc être attentif·ve à ce qui se joue dans la cour de l’établissement scolaire, mais aussi à ce qui se joue dans la salle des profs, dans les couloirs, et à l’extérieur de l’établissement. Il est essentiel de ne pas faire de remarques aux élèves, mais aussi aux collègues, sur leur poids. Il est aussi important de préciser que ce n’est pas le rôle de l’enseignant·e d’alerter sur l’état de santé d’un·e élève. D’autant plus qu’une prise ou une perte de poids n’est pas le problème en soit, mais est souvent le symptôme de quelque chose de plus profond : un souci à la maison, à l’école, etc. Le plus important est donc d’entamer une conversation avec l’élève en question, si vous avez une relation de confiance, afin de lui permettre de poser des mots sur ses maux, s’iel le souhaite. Il est également possible de faire appel à l’équipe pluridisciplinaire, peut-être que certain·e·s de vos collègues (assistant·e·s d’éducation, infirmièr·e, assistant·e social·e, etc.) ont des ressources bienveillantes qui peuvent être pertinentes pour la situation. L’inclusion des enfants gros·ses à la vie de l’école est un enjeu important. Cette inclusion passe par une vigilance importante dans les cours d’EPS, notamment, qui sont un terreau fertile à la grossophobie. C’est un constat qu’on a pu dresser grâce aux nombreux témoignages que nous avons reçus, mais également au travers des échanges qui ont pu avoir lieu lors de certains de nos groupes de parole. C’est un cours qui a pu laisser des marques importantes sur les personnes grosses.
En EPS :
Grossophobie en milieu scolaire
Introduction
Penser à l’inclusion des élèves gros·ses
Des pistes de solutions pour améliorer l’intégration des élèves gros·ses dans le cadre scolaire
Il est possible de sortir de la victimisation par la représentation de modèles positifs. De plus en plus de célébrités sont grosses, ce qui permet d’avoir des exemples concrets qui peuvent parler aux plus jeunes. Par exemple : Lizzo, chanteuse états-unienne et Yseult, chanteuse française. En littérature, on peut également profiter du travail d’Alexandre Dumas, qui était gros. Pour les plus jeunes élèves, il est possible de s’appuyer sur la figure de Steven Universe, un héros de dessin animé, qui est gros.
Il faut sortir de la représentation très misérabiliste souvent représentée dans les médias. Les journaux utilisent souvent des illustrations de personnes grosses en train de manger, ou de personnes grosses sans visage. Si vous étudiez ce genre d’articles en cours, il est essentiel d’apporter un regard critique. Le mieux étant d’étudier des articles qui présentent les personnes grosses correctement, sans déshumanisation.
En tant qu’allié-e, il est important d’agir et de faire face à ces pressions. Dire aux personnes qui tiennent des propos, ou qui ont des actions grossophobes qu’il est nécessaire de s’occuper de ce qui les regarde. Ce n’est pas évident de devoir réagir à chaque propos, à chaque action grossophobe lorsqu’on est concerné·e, ou que l’on est lea gros·se de service. Donc il est important de pouvoir s’appuyer sur d’autres personnes. Il est toujours possible, aussi, de faire un travail pédagogique auprès de ces personnes discriminantes afin de faire évoluer les mentalités. Pour savoir comment être un·e bon·ne allié·e contre la grossophobie, nous vous renvoyons vers l’article Être un(e) allié(e) non-gros(se) écrit par Edith Bernier.
Si l’atelier est amené de manière positive, il n’y aura pas de dégâts sur les élèves concerné·e·s. De plus en plus de ressources sont disponibles pour mener à bien ce genre de moments. Les personnalités grosses étant de plus en plus nombreuses, il est possible de s’appuyer dessus pour ouvrir la discussion et sortir de l’aspect négatif de la grosseur que tout le monde véhicule. Il est aussi important de signifier qu’il y a des recours contre la grossophobie et les discriminations de manière générale. La loi est du côté des personnes discriminées. Vous avez la possibilité de faire un sondage de type : “combien de personnes se sentent grosses?”, afin de mesurer la proportion de personnes qui se sentent ainsi par rapport à la proportion de personnes qui le sont réellement, ou qui sont perçues comme telles. Vous pouvez également vous tourner vers du contenu créé par les militant·e·s, les associations et les collectifs. Par exemple, le compte Instagram @labandedesgros permet de montrer les passages grossophobes dans les films.
Il y a déjà une différence notable à faire entre body-shaming et grossophobie. Le body-shaming c’est une pression sur les corps pour correspondre à une norme donnée. A cause du body-shaming, beaucoup de personnes se sentent grosses. Mais être gros·se ce n’est pas uniquement un ressenti. Tu peux être gros·se dans le regard des autres, sans l’être réellement.
Ensuite, la médecine définit les personnes grosses par rapport à leur IMC, mais l’IMC est un outil pathologisant qui est dépassé et ce pour de nombreuses raisons. Il n’est pas un outil qui nous semble pertinent pour savoir qui est gros·se, ou qui ne l’est pas.
A Gras Politique, nous aimons bien donner l’exemple du maillot de bain, pour savoir si vous êtes gros·se : Si le 15 août, en vacances dans une sous-préfecture, tu perds ta valise. Arrives-tu à pouvoir t’acheter un maillot de bain dans lequel tu rentres ? Si oui, tu n’es pas gros·se. Être gros·se, c’est vivre des discriminations au quotidien, c’est un système d’oppressions. Aubrey Gordon (Your Fat Friend) dans Who’s fat enough to be fat ? dit que “les personnes grosses seraient l’ensemble des personnes qui sont unies par des expériences courantes et inévitables d’exclusion. Pas seulement celles qu’on a traitées de « grosse » ou « gros », car nous l’avons presque toutes et tous été au moins une fois dans notre vie, mais celles pour qui la satisfaction des besoins de base est limitée, restreinte de façon importante. Il ne s’agit pas seulement des gens qui ont de la difficulté à trouver des vêtements qui leur plaisent, mais de celles et ceux qui ont de la difficulté à trouver des vêtements tout court. Et, plus encore que les gens qui se sentent mal à l’aise dans les bus ou les avions, certains sont publiquement ridiculisés pour avoir osé utiliser le transport collectif.” (traduction par Edith Bernier, dans Grosse, et puis ?).
Comme nous le disions précédemment, il y a un lien entre personnes grosses et personnes précaires. Et, de nombreuses études ont montré que les personnes précaires s’arrêtent souvent assez tôt dans les études. Ce qui peut expliquer une partie du manque de représentation des personnes grosses dans le professorat. Pour aller plus loin, vous pouvez vous tourner vers la théorie de la reproduction sociale développée par Pierre Bourdieu.
Il y aussi probablement une part de prophétie auto-réalisatrice. Il existe un cliché comme quoi les personnes gros·ses seraient bêtes, et qui est lié au fait que la grosseur serait une maladie de la volonté. A force de devoir faire face à ce cliché, peut-être que certaines personnes l’ont intériorisé et s’auto-sabotent, ce qui pourrait peut-être expliquer qu’il y ait moins de personnes grosses dans les études supérieures, parce qu’une partie s’arrêterait plus tôt.
Le harcèlement grossophobe que peuvent vivre les personnes grosses peut aussi jouer dans ce phénomène. Le harcèlement peut entraîner une phobie scolaire, des anxiétés sociales, un manque de confiance en soi, qui peuvent venir impacter la réalisation des études supérieures. L’école est un endroit qui peut être très compliqué pour les personnes grosses.
l vaut mieux vaut bannir l’utilisation des mots “rond”, “voluptueux”, etc. Ce sont des termes qui ont tendance à vouloir arrondir les angles, et sont souvent assez agaçants à entendre.
Les termes médicalisants sont aussi à éviter, dans la mesure du possible (surpoids, obésité, etc.). D’autant plus que l’expression “sur-poids” sous-entendrait qu’il y aurait un poids, un sous-poids et un sur-poids.
Il n’y a pas vraiment de réponse idéale, le débat existe même au sein des milieux militants. Il est également toujours compliqué de s’entendre dire que l’on est gros·se lorsqu’on n’est pas sensibilisé·e à l’utilisation de ce vocabulaire. Et sur des populations jeunes, le mot “gros·se” peut faire des dégâts puisqu’il a encore une connotation négative.
Si l’occasion d’en discuter avec les élèves se présente, il peut être judicieux d’ouvrir la discussion avec une question du type “comment préférez-vous qu’on qualifie les personnes grosses ?”. Peut-être qu’un débat très intéressant sur le vocabulaire s’ouvrira. Lors de cette discussion vous pouvez tout à fait préciser qu’il y a des personnes qui ne voient aucun souci à l’utilisation de l’adjectif “gros·se” pour se désigner, comme on pourrait utiliser “brun·e”, ou “grand·e”. Ce temps de discussion peut aussi permettre de sensibiliser les élèves à la question de la grossophobie.
Déjà, il est possible de commencer par lui rappeler que l’expression “rééquilibrage alimentaire” n’est que la nouvelle expression pour parler de régimes, et que 95% des régimes sont des échecs.
Il est dangereux de mettre un·e enfant / adolescent·e au régime, puisqu’iel n’a pas fini sa croissance, et que ces restrictions alimentaires peuvent amener des carences, mais peuvent aussi être la porte ouverte aux troubles du comportement alimentaire (TCA). Selon le Ministère des Solidarités et de la Santé, les TCA concernent environ 600 000 adolescent·e·s et jeunes adultes entre 12 et 35 ans dont 90% de jeunes filles ou de femmes. Il y a également une prévalence des tentatives de suicide chez les personnes qui développent ce genre de troubles.
Le régime, ou rééquilibrage alimentaire, n’est pas la solution. La prise, ou la perte de poids n’est souvent que le symptôme de quelque chose d’autre et n’est pas révélateur de l’état de santé. Le rôle de l’infirmière scolaire, dans ce cas là, aurait été, si iel avait été formé à la question de la grossophobie, d’aller chercher plus loin que seulement le changement de poids.
Il est également possible renvoyer lea professionnel·le de la santé en milieu scolaire vers les ressources que nous avons produites, et notamment :
C’est un travail de longue haleine, on ne se réveille pas un matin en ayant plus rien à faire de ce genre de remarques. L’expérience et l’âge te permettent de t’endurcir.
Mais il est important de ne pas laisser passer ce genre de remarques, et de ne pas banaliser ce genre de discours.
Si la personne concernée n’a pas l’énergie, il faudrait qu’elle puisse s’appuyer sur une personne soutien, sur un·e allié·e. Si on n’est pas concerné·e il est important de prendre la liberté d’agir dans ces cas-là : protéger, sensibiliser, rassurer. Faire communauté et solidarité est important, et permet de faire face plus facilement à la grossophobie et au body-shaming.
Déconstruire sa grossophobie intériorisée peut aussi être une étape importante, puisque celle-ci peut nous rendre plus vulnérable face à ces attaques. Être bienveillant·e avec soi-même est la clé. Dans tous les cas, il ne faut surtout pas laisser passer les propos et les actes grossophobes, et stigmatisants.