Gras Politique, collectif de lutte contre la grossophobie systémique, s’élève contre le projet d’émission de Potiche Prod et M6 avec Karine Le Marchand et Cristina Cordula visant à mettre en scène les personnes obèses subissant une chirurgie bariatrique.
Gras Politique rappelle que l’obésité est une maladie chronique et multi-factorielle qui ne devrait aucunement être instrumentalisée au profit d’un docu-réalité.
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Les opérations de chirurgie bariatrique, dont il est question dans l’émission, tels le by pass ou la sleeve gastrectomie, consistant à retirer une grande partie de l’estomac et à provoquer un dysfonctionnement de l’absorption des nutriments, sont des opérations graves et impactantes, qui ne devraient pas être banalisées.
L’anneau gastrique a été la première solution chirurgicale proposée aux obèses. Avec 18 ans de recul sur cette pratique on sait que 42% des anneaux ont été ôtés pour complication, reprise de poids ou intolérance. Les médecins eux mêmes s’inquiètent de la même déconvenue concernant la sleeve, qui représente plus de 60% des interventions en France.
Les conséquences médicales de ces opérations peuvent être dramatiques : éventration, fistules, infections, mort opératoire, dénutrition. Elles ont aussi des conséquences moins graves mais invalidantes : perte des cheveux, des dents, nombreuses opérations de chirurgie corrective etc. Elles impliquent toutes des changements profonds dans l’identité des personnes opérées, qui ne sont que trop rarement accompagnées.
Tous les obèses ne sont pas des candidats pour ces opérations. Les conditions d’éligibilité des patients, les suivis pré et posts opératoires, sont définis par la CPAM. A ce jour on constate que de nombreux opérés ne rentrent pas dans les indications de troubles du comportement alimentaire, d’IMC ou de co-morbidités demandées par la CPAM. Et s’ils bénéficient bien des suivis pré-opératoires, ils sont lâchés par les équipes médicales après l’intervention, les condamnant ainsi à l’échec thérapeutique. Une étude américaine récente annonce une perte de poids moyenne à quatre ans de 30% avec le by-pass, et de 20% avec la sleeve gastrectomie. Cette étude concerne uniquement les patients qui ont suivi strictement leur protocole post-opératoire, et on estime que moins de la moitié des patients sont suivis correctement un an après l’intervention (source : Professeur Pattou, CHU de Lille, 2015).
La complexité de la maladie obésité du fait de son caractère multi-factoriel ne peut pas être réduite à une réponse chirurgicale.
Faire la promotion de ces opérations alors que les médecins eux mêmes doutent de leur efficacité et leur innocuité est dangereux.
D’autre part, l’accès aux soins des personnes obèses est un problème majeur de santé publique. Les obèses ne souffrent pas que de problèmes liés à leur obésité, mais de tous les maux habituels ou non. La prise en charge des patients obèses en milieu hospitalier ou par les médecins de ville manque à la fois d’humanité et de moyens. Les médecins et les pouvoirs publics se refusent à s’équiper et à s’éduquer afin d’apporter un traitement adapté aux patients de toutes tailles, alors que ces équipements existent. On note notamment des manquements aussi graves que l’impossibilité de prendre la tension aux patients à cause de brassards trop petits, de balances qui s’arrêtent à 110 kilos, de l’absence de lits d’hôpitaux, de tables de blocs opératoires, de fauteuils roulants et de matériel de levage pour les équipes soignantes adaptés au patients obèses. Les personnes obèses qui se font opérer en chirurgie bariatrique n’ont souvent même pas de blouse à leur taille.
Présenter la médecine française comme un modèle de performance et de traitement de la maladie obésité et des personnes obèses est un mensonge. Gras Politique s’indigne contre les mauvais traitements et soins reçus par les patients obèses et recueille des témoignages de violences médicales graves sur son site. Nous ne pouvons donc pas accepter que M6 et Potiche Prod se fassent la vitrine d’une médecine bienveillante et moderne alors que cela ne reflète pas la réalité des milliers de patients obèses maltraités.
De plus, Gras Politique attire l’attention du CSA et des pouvoirs publics sur le potentiel dévastateur d’une telle émission sur la population concernée. La grossophobie tue et discrimine les obèses en France, se basant sur l’idée que la maladie obésité est une maladie de la volonté. On reproche donc aux personnes grosses d’être seules responsables de leur état, de manquer de motivation. Ces stéréotypes négatifs impactent la vie quotidienne des gros : discrimination à l’embauche, harcèlement de rue, climat familial nocif, etc. Faire croire qu’il existe une solution systématique à l’obésité est une méconnaissance totale du sujet, et ce faux message aura des retombées directes sur la vie de personnes obèses.
Enfin,Gras Politique s’inquiète des présentatrices pressenties pour ce projet. Cristina Cordula et Karine Le Marchand ne sont en rien des spécialistes de l’obésité, et ne sont à priori pas médecins. Cristina Cordula, malgré son apparente bienveillance, distille chaque jour à une heure de grande écoute des conseils de mode discriminatoires, sexistes et grossophobes. Karine Le Marchand gagne en partie sa vie grâce à une application de régime et de fitness, elle souhaite donc continuer à faire du profit sur les souffrances d’une partie de la population. Ces deux personnes ne sont pas concernées par l’obésité, ni dans leur chair, ni dans leur parcours professionnel, et ont pour occupation l’apparence et le divertissement. Cela va à l’encontre d’une prise en charge de la maladie obésité, qui se doit d’être prise au sérieux.
Gras Politique réclame l’annulation de ce projet.