Lettre ouverte à la CPAM de l’AISNE

 

Nous apprenions il y a quelques jours par un article dans France 3 Région, le cas d’un habitant de l’Aisne dont la CPAM refuse de prendre en charge une opération lui permettant d’une part de retrouver une certaine autonomie, d’autre part de pouvoir réaliser une chirurgie bariatrique.

Le cas de cet homme vient s’ajouter à la longue liste de défauts de prise en charge des patients obèse.

Contre cette énième injustice, Gras Politique souhaite en apportant son aide a ce patient, alerter les pouvoirs public de l’urgence d’une évaluation de ces non prise en charge au moyen d’une lettre ouverte, signée par de nombreuses structures et individus allié-e-s.

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Cher-es ami·e·s non gros·ses, lisez donc ça

Alors voilà, y’a plein de choses merdiques que tu fais qui m’ennuient :

  • Tu postes des photos des repas bien riches que tu manges et tu les commentes avec des phrases comme « voilà pourquoi je suis groooooosse », “j’ai mangé comme une grosse” ou #groscul. Les gros-ses ne mangent pas de cette manière tout le temps, si nous le faisions, nous ne pourrions pas rester à un poids stable, nous n’arrêterions pas de grossir, comme Violet dans Willy Wonka tu vois ? Et s’il te plait, arrête de reporter ta culpabilité étrange d’avoir bouffé sur nous, les gros-ses, qui subissons déjà assez d’emmerdes parce que nous osons exister. Pourquoi est ce que tu n’utilises pas des hashtags comme #avidité #grosrepasdecapitaliste ou #repasdeprivilégiéoccidetal #6porcssontmortspourcerepas  
  • Quand tu me dis que tu te sens gros-se au lieu de dire que tu te sens peu attirant-e, que t’as trop mangé ou que tu te sens ballonné-e. Être gros, c’est un état, ce n’est pas une sensation. En fait, si tu te sens gros-se alors que tu ne l’es pas, cela s’appelle de dysmophorphobie, et tu devrais consulter. Quand tu me regardes, moi la grosse femme, et que tu me dis « Beurk, je me sens grosse », moi ce que j’entends c’est « Olala c’est ca être gros-se, tu dois te sentir mal tout le temps, va perdre du poids ou tues toi en essayant ».

  • Tu me demandes à moi « Est ce que ce j’ai l’air gros-se là dedans ? » Devine quoi, tout ce que je porte me donne l’air gros-se. Alors c’est non seulement manquer complètement d’égard pour moi de le demander, mais c’est surtout une grosse baffe dans la gueule de me le demander à moi, une personne vraiment grosse. Si toi et tes autres potes minces qui manquent de confiance en eux-elles veulent faire un groupe de parole sur vos poignées d’amour, faites le donc, mais cessez de nous imposer vos états d’âmes.
  • Poster des statuts à propos de tes résolutions pour ta santé et ta nutrition d’une manière fat shamante, par exemple « je me sens trop bien maintenant que je ne suis plus grosse » « en 2018 je me promets d’éradiquer mon gros cul ». Si tu veux t’occuper de ta santé et surveiller ce que tu manges, très bien, je suis contente pour toi, mais c’est vraiment pas la peine de me culpabiliser en passant. Je ne t’ai jamais demandé-e d’être tenu-e responsable de ta prise ou de ta perte de poids. Et quand tu reprendras du poids après ton 16ème régime de l’année, sois sur-e de ma totale compassion teintée d’ironie.

  • Tu utilises des photos ou des dessins de personnes gros-ses pour faire des blagues, des memes. Tu tags des gens sur ces photos. Arrête immédiatement. T’es con-ne Sérieusement. Arrête. Tu fais de la merde.

  • Tu me parles du temps où tu étais gros-se comme si ca te donnait un genre de crédibilité à mes yeux. J’en ai rien à foutre.  Et le fait que tu aies été gros-se ne t’autorise en rien à faire des jugements à l’emporte pièce sur les personnes grosses. « Moi quand j’étais gros-se je mangeais Mc Do tout le temps » cool pour toi. Mais rappelle toi  que nous sommes tousTes des personnes différentes et que ta seule expérience ne parle pas de la mienne. Et que même si je fais le chois de manger chez Mc Do tout le temps, ce qui n’est pas mon cas mais on ne sait jamais, ca n’a rien à voir avec toi et tes jugements de merde. La nourriture et la moralité sont deux choses différentes. Ne les confonds pas dans ta quête de surpasser ton ancien toi gros-se. T’es encore cette même personne, t’as juste moins de gras.
  • En parlant de gras, ne me raconte pas comment tu as perdu du poids si je ne te demande rien. Ne me fais pas la longue liste de toutes les restrictions que tu as enduré, de l’exercice que tu as fait, de ton déficit calorique, de ta poudre de protéine et de tes sandwichs à la laitue. Je ne t’ai rien demandé. Je m’en tape. Je me fous que les gens veuillent prendre ou perdre du poids. Ce n’est pas parce que tu vois un gros dans la rue qu’il demande des conseils. Il est juste dans la rue. Et laisse moi te le redire, j’en ai rien à foutre de ton régime.
  • Tu me dis des trucs sur ce que tu ressentais quand tu étais gros-se : incapable, moche, misérable, mais maintenant, tu te sens au top. Oui, je suis sure que tu as ressenti tout cela quand tu étais gros-se parce que nous vivons toi et moi dans une société qui déteste les personnes grosses et qui fait tout pour que nous nous sentions mal. Mais tu penses vraiment que c’est cool de mettre tous tes problèmes sur le compte de ton poids ? Parce que nous, qui sommes encore gros-ses, on a vraiment pas besoin de ta haine de toi. Et on a pas forcément envie d’en entendre encore une fois qu’on s’est tapé-e toute la haine des gros-ses dans les films, à la télé, sur Internet. Les gens gros ont le droit d’être admirés, aimés, aidés comme toutes les autres personnes.
  • Tu commentes le physique des gens, et plus particulièrement celui des femmes avec des phrases comme « olala elle est tellement grosse » ou « oulala t’as vu comment elle a pris du cul » ou « elle devrait vraiment pas s’habiller comme ca avec son poids ». Wow. Tu n’as même pas conscience du nombre de fois où j’ai envie de te coller une baffe quand tu sors ce genre de choses. Je dois à chaque fois faire la gymnastique mentale nécessaire à me rappeler que tu es une personne qui manque de confiance en elle, et pas seulement un-e con-ne. Imagine une seconde que les gens partout commentent sur quelque chose de ton physique, comme la couleur de tes yeux. Que partout où tu ailles, les gens s’exclament « olalalaaa les yeux noisettes c’est vraiment de la merde, c’est honteux ».

  • Si tu me vois manger de la salade, des légumes, des fruits, des céréales complètes, ou boire de l’eau, ne me félicite pas. C’est débile de bétise. Ferme là. Ne dis rien sur ce que les personnes gros-ses mangent ou pas d’ailleurs, ca sera plus simple. Particulièrement si ce sont des inconnu-es. Ca-ne-te-concerne-pas. C’est clair ?
  • Ne me glisse pas dans l’oreille de manière chelou que les personnes gros-ses t’excitent. Ne me raconte pas les fantasmes dans lesquels tu baises mes bourrelets. Ne me dis pas que tu couches avec des gros-ses parce que c’est plus facile. T’es ignoble.

 

Cet article est une traduction, l’original est ici.

[Pétition] M6 et Potiche Prod, annulez votre émission grossophobe

 

Gras Politique, collectif de lutte contre la grossophobie systémique, s’élève contre le projet d’émission de Potiche Prod et M6 avec Karine Le Marchand  et Cristina Cordula visant à mettre en scène les personnes obèses subissant une chirurgie bariatrique.

Gras Politique rappelle que l’obésité est une maladie chronique et multi-factorielle qui ne devrait aucunement être instrumentalisée au profit d’un docu-réalité.
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Les opérations de chirurgie bariatrique, dont il est question dans l’émission, tels le by pass ou la sleeve gastrectomie, consistant à retirer une grande partie de l’estomac et à provoquer  un dysfonctionnement de l’absorption des nutriments, sont des opérations graves et impactantes, qui ne devraient pas être banalisées.

 L’anneau gastrique a été la première solution chirurgicale proposée aux obèses. Avec 18 ans de recul sur cette pratique on sait que 42% des anneaux ont été ôtés pour complication, reprise de poids ou intolérance. Les médecins eux mêmes s’inquiètent de la même déconvenue concernant la sleeve, qui représente plus de 60% des interventions en France.

 Les conséquences médicales de ces opérations peuvent être dramatiques : éventration, fistules, infections, mort opératoire, dénutrition. Elles ont aussi des conséquences moins graves mais invalidantes : perte des cheveux, des dents, nombreuses opérations de chirurgie corrective etc. Elles impliquent toutes des changements profonds dans l’identité des personnes opérées, qui ne sont que trop rarement accompagnées.

Tous les obèses ne sont pas des candidats pour ces opérations. Les conditions d’éligibilité des patients, les suivis pré et posts opératoires, sont définis par la CPAM.  A ce jour on constate que de nombreux opérés ne rentrent pas dans les indications de troubles du comportement alimentaire, d’IMC ou de co-morbidités demandées par la CPAM. Et s’ils bénéficient bien des suivis pré-opératoires, ils sont lâchés par les équipes médicales après l’intervention, les condamnant ainsi à l’échec thérapeutique. Une étude américaine récente annonce une perte de poids moyenne à quatre ans de 30% avec le by-pass, et de 20% avec la sleeve gastrectomie. Cette étude concerne uniquement les patients qui ont suivi strictement leur protocole post-opératoire, et on estime que moins de la moitié des patients sont suivis correctement un an après l’intervention (source : Professeur Pattou, CHU de Lille, 2015).

La complexité de la maladie obésité du fait de son caractère multi-factoriel ne peut pas être réduite à une réponse chirurgicale.

Faire la promotion de ces opérations alors que les médecins eux mêmes doutent de leur efficacité et leur innocuité est dangereux.

D’autre part, l’accès aux soins des personnes obèses est un problème majeur de santé publique. Les obèses ne souffrent pas que de problèmes liés à leur obésité, mais de tous les maux habituels ou non. La prise en charge des patients obèses en milieu hospitalier ou par les médecins de ville manque à la fois d’humanité et de moyens. Les médecins et les pouvoirs publics se refusent à s’équiper et à s’éduquer afin d’apporter un traitement adapté aux patients de toutes tailles, alors que ces équipements existent. On note notamment des manquements aussi graves que l’impossibilité de prendre la tension aux patients à cause de brassards trop petits, de balances qui s’arrêtent à 110 kilos, de l’absence de lits d’hôpitaux, de tables de blocs opératoires, de fauteuils roulants et de matériel de levage pour les équipes soignantes adaptés au patients obèses. Les personnes obèses qui se font opérer en chirurgie bariatrique n’ont souvent même pas de blouse à leur taille.

Présenter la médecine française comme un modèle de performance et de traitement de la maladie obésité et des personnes obèses est un mensonge. Gras Politique s’indigne contre les mauvais traitements et soins reçus par les patients obèses et recueille des témoignages de violences médicales graves sur son site. Nous ne pouvons donc pas accepter que M6 et Potiche Prod se fassent la vitrine d’une médecine bienveillante et moderne alors que cela ne reflète pas la réalité des milliers de patients obèses maltraités.

 De plus, Gras Politique attire l’attention du CSA et des pouvoirs publics sur le potentiel dévastateur d’une telle émission sur la population concernée. La grossophobie tue et discrimine les obèses en France, se basant sur l’idée que la maladie obésité est une maladie de la volonté. On reproche donc aux personnes grosses d’être seules responsables de leur état, de manquer de motivation. Ces stéréotypes négatifs impactent la vie quotidienne des gros : discrimination à l’embauche, harcèlement de rue, climat familial nocif, etc. Faire croire qu’il existe une solution systématique à l’obésité est une méconnaissance totale du sujet, et ce faux message aura des retombées directes sur la vie de personnes obèses.

Enfin,Gras Politique s’inquiète des présentatrices pressenties pour ce projet. Cristina Cordula et Karine Le Marchand ne sont en rien des spécialistes de l’obésité, et ne sont à priori pas médecins. Cristina Cordula, malgré son apparente bienveillance, distille chaque jour à une heure de grande écoute des conseils de mode discriminatoires, sexistes et grossophobes. Karine Le Marchand gagne en partie sa vie grâce à une application de régime et de fitness, elle souhaite donc continuer à faire du profit sur les souffrances d’une partie de la population. Ces deux personnes ne sont pas concernées par l’obésité, ni dans leur chair, ni dans leur parcours professionnel, et ont pour occupation l’apparence et le divertissement. Cela va à l’encontre d’une prise en charge de la maladie obésité, qui se doit d’être prise au sérieux.

Gras Politique réclame l’annulation de ce projet.

Aidez nous en signant la pétition

Pourquoi le féminisme doit s’emparer de la grossophobie

Aller chez le médecin m’a toujours plongé dans l’anxiété. Depuis que je suis un-e enfant, les médecins ont fait des remarques ignobles sur mon poids devant moi. Quand j’avais 8 ans, un médecin a dit à ma mère que mes allergies alimentaires devaient « marcher à l’envers » puisque j’étais « si grosse ». Et il a ri.

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