Le 24 mars, Gras Politique était l’invité d’Alternatiba pour parler de grossophobie pendant son rendez-vous des Douceurs Militantes.
Vous trouverez ci-dessous la retranscription par Alternatiba de ce moment.
Le 24 mars, Gras Politique était l’invité d’Alternatiba pour parler de grossophobie pendant son rendez-vous des Douceurs Militantes.
Vous trouverez ci-dessous la retranscription par Alternatiba de ce moment.
Le pitch : Dans une ville de l’Idaho, Charlie, professeur d’anglais souvent reclus, en obésité morbide, se cache dans son appartement et mange en espérant en mourir. Il cherche désespérément à renouer avec sa fille adolescente pour une ultime chance de rédemption.
Réalisateur : Darren Aronofsky
La polémique :
On pourrait penser que The Whale va permettre aux spectateur‧ice‧s d’être dans l’empathie avec Charlie, le personnage principal enfermé chez lui par des troubles du comportement alimentaire violents et victime d’une grossophobie ignoble.
Ca n’est pas le cas : le réalisateur s’assure, dans sa manière de tourner et de raconter l’histoire, que Charlie, l’homme très gros, passe pour un être faible et sans volonté.
Le nom même du film : The Whale (la baleine) est à double sens: d’une part, il fait référence à l’obsession de Charlie pour le roman classique Moby Dick. Mais il évoque surtout la grossophobie dont le personnage est victime et les moqueries dont il souffre.
Dès la première scène qui dépeint Charlie qui suffoque tout en se masturbant devant du porno gay, on comprend le ton du film : il s’agit de faire du gros un personnage avide, enclin à céder à toutes les tentations : c’est une vision profondément moraliste qui se pose sur Charlie. Les scènes humiliantes s’enchaînent sans répis : Charlie suinte de gras de poulet, Charlie tranpire à grosses gouttes en mengeant, Charlie est un ogre.
Ce qui est reproché au réalisateur c’est de dépeindre Charlie et sa grosseur de manière abusive et fantasmatique. Charlie devient un épouvantail qu’on agite pour faire peur aux personnes minces ou aux enfants : si tu manges des bonbons tu finiras comme le monsieur, seul, transpirant et proche de la mort à chaque mouvement. Charlie, c’est le cauchemar grossophobe de la société. Pas la réalité.
Il est intéressant de noter que Charlie est un personnage très gros et homosexuel. L’acteur choisi pour le jouer est mince et hétérosexuel. Il vient d’ailleurs de reccevoir l’oscar du meilleur rôle.
Brendan Fraser joue en portant un “fat suit”, un costume d’homme gros, après des heures de maquillage, d’effets spéciaux. Dans une société où les acteur‧ice‧s gros‧se‧s peinent à travailler, on peut se poser la question de sa légitimité.
Le film est un enchaînement de scènes très humiliantes, et filmées de manière crue et violente. Le corps de Charlie est là pour faire peur aux spectateur‧ice‧s.
Rien (ni personne) ne peut sauver Charlie de lui-même, voilà le message du film : les personnes grosses sont renvoyées à leur ignominie, à leur monstruosité, et à leur responsabilité dans leur malheur. La grossophobie des autres, les troubles mentaux de Charlie sont évoqués, mais sans suite.
Le réalisateur s’est exprimé à de nombreuses reprises pour dire qu’il était fier d’avoir fait un film qui compatit avec les personnes grosses. Pour répondre aux accusations de grossophobie, l’équipe du film répond en brandissant un partenariat avec une fondation de lutte contre l’obésité : l’OAC, Obesity Action Coalition. Quand on s’intéresse à cette fondation, on s’aperçoit qu’elle est financée principalement par : Allergan (une société de production d’anneaux gastriques), l’American Society for Metabolic Bariatric Surgery (une fondation pour la promotion de la chirurgie de l’obésité), Covidien (une société de promotion de la chirurgie de l’obésité), Eisai (un laboratoire qui fabrique un médicament contre l’obésité désormais retiré du marché), Vivus, un laboratoire qui fabrique un médicament contre l’obésité. Ce n’est donc pas une fondation de lutte pour la meilleure prise en charge médicale des personnes grosses ou contre la grossophobie, mais une fondation de promotion de l’amaigrissement par des méthodes dangereuses.
Le film a donc une vision vraiment grossophobe, comme le rétorque l’activiste Aubrey Gordon : “Si la seule façon d'”humaniser” une personne très grosse est de la regarder, humiliée, terrifiée, honteuse et tuée d’une manière stéréotypée et stigmatisante, il est temps de réfléchir sérieusement.”
Pour aller plus loin :
Une critique par le site Le Bleu du Miroir
En anglais :
What to Know About the Controversy Surrounding The Whale
The Cruel Spectacle of ‘The Whale’ par Roxane Gay
The Whale is not a masterpiece – it’s a joyless, harmful fantasy of fat squalor dans The Guardian par Lindy West
The Whale’s Point of View, Kate Manne Writer & philosopher at Cornell
When Whales Fly On the horror of your horror : Carmen Maria Machado, autrice
The Whale is a horror film that taps into our fear of fatness
Judy Freespirit et Aldebaran
Le Fat Underground est une organisation qui a agi comme un catalyseur dans la création et la mobilisation du mouvement “Fat Liberation”. Basé à Los Angeles dans les années 1970, le Fat Underground s’est battu pour abolir les pensées et pratiques discriminatoires dans différents aspects de la société. Ces pratiques discriminatoires comprenaient celles des médecins et autres professionnels de la santé qui perpétuaient les habitudes malsaines encouragées par la culture des régimes. Cette approche de la réforme de la profession de santé découle des racines du Fat Underground dans le mouvement Radical Therapy, qui cherchait à réformer les professions de la santé mentale. Selon la rhétorique du mouvement Radical Therapy, les personnes atteintes de maladie mentale ne devaient pas supporter le fardeau de se changer. Nous sommes plutôt censés changer la stigmatisation entourant la santé mentale. Cette idéologie « changer la société, pas nous-mêmes » était à la base d’une grande partie de l’activisme du mouvement “Fat Liberation”.
En novembre 1973, Judy Freespirit et Aldebran ont publié le “Fat Liberation Manifesto” au nom du mouvement “Fat Underground”. Un manifeste est une déclaration écrite qui explique publiquement les intentions et les opinions de celui qui l’a publié. Dans ce cas, le manifeste décrit les ambitions et les vues du Fat Underground, qui prend la liberté de parler au nom de toutes les personnes grasses. Judy Freespirit et Aldebaran, membres pionnier.e.s du Fat Underground, ont conçu ces sept points pour solidifier les idées du mouvement “Fat Liberation” et terminent par un appel à l’action. Le manifeste établit d’abord que les gros ont droit à ce qu’on leur refuse au quotidien : « le respect et la reconnaissance humaine ». Les autres objectifs décrivent ensuite l’exploitation commerciale des corps gros par les entreprises et les institutions scientifiques. Ce manifeste a marqué un point clé dans le mouvement Fat Liberation car c’est l’une des premières fois qu’il y a eu un appel public à l’unification des grosses femmes et des grosses personnes dans un but commun. La rhétorique dictée dans ce manifeste donne le ton du mouvement.
1. NOUS croyons que les personnes grosses ont entièrement droit au respect humain et à la reconnaissance.
2. NOUS sommes révoltées par le mauvais traitement qu’elles subissent à des fins commerciales et sexistes. Ils font de nos corps des objets de ridicule et créent ainsi un immense marché lucratif en vendant de fausses promesses pour venir à bout de ce ridicule.
3. NOUS concevons notre lutte en solidarité avec les luttes des autres groupes d’opprimées qui luttent contre le racisme, le sexisme, les classes sociales, l’âgisme, le capitalisme, l’impérialisme et tous leurs semblables.
4. NOUS exigeons l’égalité des droits pour les personnes grosses dans tous les domaines tel que cela est prévu par la Constitution des États-Unis. Nous exigeons l’accessibilité à tous les produits et services du domaine public ainsi que l’élimination de toute forme de discrimination que nous subissons dans les domaines de l’emploi, de l’éducation, des services publics et des services de santé.
5. NOUS dénonçons comme notre principal ennemi toute l’industrie dite de l’amaigrissement. Ceci inclut tous les clubs de diète, les salons d’amaigrissement, les médecins spécialisés dans l’obésité, les livres de diète, les produits diététiques ou les suppléments diététiques, les interventions chirurgicales, les médicaments “coupe-faim”, toutes les pilules et les gadgets tels que les machines amaigrissantes. Nous exigeons que l’industrie dite de l’amaigrissement prenne ses responsabilités face à ses fausses déclarations, qu’elle reconnaisse que ses produits sont nuisibles à la santé publique, et qu’elle publie des résultats d’études statistiques de longue durée démontrant l’efficacité de ses produits. Nous posons ces exigences en sachant très bien que, lorsqu’on les évalue sur une période de cinq ans, plus de 99 % des programmes d’amaigrissement sont un échec total et qu’il est prouvé que les gains et les pertes de poids importants et successifs sont très dommageables.
6. NOUS dénonçons cette science mystificatrice qui prétend, à tort, que nous ne sommes pas en bonne santé. Elle est l’origine à la fois de la cause et du maintien de la discrimination que nous subissons, en plus d’aller de concert avec les intérêts financiers des compagnies d’assurance, de l’industrie de la mode et du vêtement, de l’industrie de l’amaigrissement, des industries alimentaire et pharmaceutique ainsi que de l’establishment du pouvoir médical et psychiatrique.
7. NOUS refusons d’être subjuguées dans le but de servir les intérêts de nos ennemis. Nous proclamons notre pouvoir sur nos corps et sur nos vies. Nous nous engageons nous-mêmes à poursuivre ces buts ensemble. PERSONNES GROSSES DE LA TERRE, UNISSONS-NOUS ! NOUS N’AVONS RIEN À PERDRE…
• Tiré de Schoenfielder, Lisa and Wieser, Barbara (ed.), Shadow on a Tightrope. Writings by Women on Fat Oppression, Iowa City, Spinsters Aunt Lute Book Company, 1983, 260 p.
• Copyright 1973 by The Fat Underground
• Traduction : Louise Turcotte, issue du fanzine Oppression et Libération de la Grosseur
Bases de données médicales existantes :
BDDTrans : une base de données de soignant.e.s qui accueillent les personnes trans
Gyn&co : une liste de soignant.e.s féministes
Bases de données de connaissances :
La BA(F)FE – FR : Base de données féministe :
Entrée : Grossophobie – BA(F)FE
En anglais : Fat Lib Archive
Les autres associations :
Lutte de gras.ses – Sud de la France – organisation de groupes de parole, fanzines, réunions
Fat friendly ABSL : association belge – participation à des événements, mise en place d’un annuaire des lieux accessibles aux personnes grosses
Fat positivity : association belge
Body Respect Schweiz : association suisse
Les ours de Paris : association parisienne des gros PDs et de ceux et celles qui les aiment
La grosse asso : association française
Cosmo Plus : association francaise
NAAFA : National association to Advance Fat Acceptance (USA)
Sur la chirurgie bariatrique :
Données brutes, rapports, études, :
Évolution du recours à la chirurgie bariatrique en France entre 2008 et 2014
Implications à long terme de la chirurgie bariatrique: au-delà des carences
Opinions :
Pourquoi je suis radicalement opposée à la chirurgie bariatrique
Sur les régimes, la perte de poids :
Les régimes restrictifs n’aident pas les obèses à perdre du poids :
De la liminalité de la grosseur : stratégies spectaculaires et identité de gros.
The Bizarre and Racist History of the BMI.
En anglais le podcast Maintenance Phase
En anglais
The Science on Weight and Health
Être en obésité et en bonne santé métabolique, une étude :
Sur la grossophobie médicale :
En anglais : Weight Bias in Health Care
Qui a peur de l’obésité ? Martin Winckler
Guide à l’usage des professionnel.le.s de santé
Comment mieux soigner les personnes grosses ?
Mode :
Santé reproductive :
La pilule du lendemain est moins efficace sur les personnes grosses.
Pas de PMA si votre IMC dépasse 30 :
“Toi tu n’as pas le droit de continuer (ta PMA) parce que tu es trop grosse.”
Surpoids ou obésité : influence sur les résultats de la première tentative de FIV/ICSI : une étude
Grossophobie et transphobie :
“The Intersection of Fatmisia and Transmisia” – Quand grossophobie et transphobie se rencontrent
Queer avec un Gros Q, en quoi la grosseur est un enjeu queer et féministe ?
Grossophobie et racisme :
Grossophobie et racisme : Sabrina Strings met au jour les racines de haines liées.
Body Positive :
Comment je me suis éloignée du mouvement body positive
Livres :
Hunger – Roxanne Gay (traduction)
Corps rebelle : réflexions sur la grossophobie – Gabrielle Lisa Collard
Gros n’est pas un gros mot – Daria Marx & Eva Perez Bello
Grossophobie, sociologie d’une discrimination invisible – Solenne Carof
On ne naît pas grosse – Gabrielle Deydier
Grosse, et alors ? Connaître et combattre la grossophobie – Edith Bernier
Mon corps en désaccord – Anne Zamberlan
Coup de gueule contre la grossophobie – Anne Zamberlan
Les métamorphoses du gras – Georges Vigarello
Sociologie de l’obésité – Jean Pierre Poulain
T’as un joli visage. Mettre fin à la grossophobie – Shérazade Leksir & Céline Segure
Fearing the Black Body: The Racial Origins of Fat Phobia – Sabrina Strings
Belly of the Beast: The Politics of Anti-Fatness as Anti-Blackness – Da’Shaun L. Harrison
Fat activism – Charlotte Cooper
Things No One Will Tell Fat Girls – Jes Baker
You Have the Right to Remain Fat- Virgie Tovar
Unashamed: Musings of a Fat, Black Muslim – Leah Vernon
The Fat Studies Reader – Esther Rothblum, Sondra Solovay, Marilyn Wann
Queering Fat Embodiment – Cat Pausé, Jackie Wykes
Documentaires :
On achève bien les gros – Gabrielle Deydier
Daria Marx, ma vie en gros – Daria Marx
La grosse vie de Marie – Marie De Brauer
Livres pour enfants / jeunes adultes :
Miss Dumplin, Julie Murphy, roman jeunesse
Boule de Suif, Guy de Maupassant, nouvelle
Journal d’une grosse qui réfléchit, Françoise Leclère, roman jeunesse
La Team Collège, Delphine Pessin, roman jeunesse
Faith, Marguerite Sauvage, comics
1er tome disponible gratuitement : https://bliss-editions.com//wp-content/uploads/2020/03/faith-extraut-100pages.pdf
Dietland, Sarai Walker, roman young adult
Le journal de grosse patate, Dominique Richard, théâtre
Ce sera moi, Lyla Lee, roman young adult
La Lune est à nous, Cindy Van Wilder, roman young adult
Nous, les filles de nulle part, Amy Reed, roman young adult
En cloque !, Eva Darrows, roman young adult
Sortir d’ici, Renée Watson, roman young adult
Son corps et autres célébrations, Carmen Maria Machado, nouvelles
Le poids des sentiments, N.R. Walker, roman young adulte
Leah à contretemps, Becky Albertalli, roman young adult
Les tribulations d’Esther Parmentier, sorcière stagiaire, Maëlle Desard, roman jeunesse
Le cercle des jeunes élues, Sara Belgmark Elfgren et Mats Strandberg, roman jeunesse
Skim, Mariko Tamaki et Jillan Tamaki, roman graphique
Nimona, Noelle Stevenson, roman graphique
Tant qu’il le faudra, Cordélia, roman young adult
Les Petites Reines, Clémentine Beauvais, roman jeunesse