[Pétition] M6 et Potiche Prod, annulez votre émission grossophobe

 

Gras Politique, collectif de lutte contre la grossophobie systémique, s’élève contre le projet d’émission de Potiche Prod et M6 avec Karine Le Marchand  et Cristina Cordula visant à mettre en scène les personnes obèses subissant une chirurgie bariatrique.

Gras Politique rappelle que l’obésité est une maladie chronique et multi-factorielle qui ne devrait aucunement être instrumentalisée au profit d’un docu-réalité.
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Les opérations de chirurgie bariatrique, dont il est question dans l’émission, tels le by pass ou la sleeve gastrectomie, consistant à retirer une grande partie de l’estomac et à provoquer  un dysfonctionnement de l’absorption des nutriments, sont des opérations graves et impactantes, qui ne devraient pas être banalisées.

 L’anneau gastrique a été la première solution chirurgicale proposée aux obèses. Avec 18 ans de recul sur cette pratique on sait que 42% des anneaux ont été ôtés pour complication, reprise de poids ou intolérance. Les médecins eux mêmes s’inquiètent de la même déconvenue concernant la sleeve, qui représente plus de 60% des interventions en France.

 Les conséquences médicales de ces opérations peuvent être dramatiques : éventration, fistules, infections, mort opératoire, dénutrition. Elles ont aussi des conséquences moins graves mais invalidantes : perte des cheveux, des dents, nombreuses opérations de chirurgie corrective etc. Elles impliquent toutes des changements profonds dans l’identité des personnes opérées, qui ne sont que trop rarement accompagnées.

Tous les obèses ne sont pas des candidats pour ces opérations. Les conditions d’éligibilité des patients, les suivis pré et posts opératoires, sont définis par la CPAM.  A ce jour on constate que de nombreux opérés ne rentrent pas dans les indications de troubles du comportement alimentaire, d’IMC ou de co-morbidités demandées par la CPAM. Et s’ils bénéficient bien des suivis pré-opératoires, ils sont lâchés par les équipes médicales après l’intervention, les condamnant ainsi à l’échec thérapeutique. Une étude américaine récente annonce une perte de poids moyenne à quatre ans de 30% avec le by-pass, et de 20% avec la sleeve gastrectomie. Cette étude concerne uniquement les patients qui ont suivi strictement leur protocole post-opératoire, et on estime que moins de la moitié des patients sont suivis correctement un an après l’intervention (source : Professeur Pattou, CHU de Lille, 2015).

La complexité de la maladie obésité du fait de son caractère multi-factoriel ne peut pas être réduite à une réponse chirurgicale.

Faire la promotion de ces opérations alors que les médecins eux mêmes doutent de leur efficacité et leur innocuité est dangereux.

D’autre part, l’accès aux soins des personnes obèses est un problème majeur de santé publique. Les obèses ne souffrent pas que de problèmes liés à leur obésité, mais de tous les maux habituels ou non. La prise en charge des patients obèses en milieu hospitalier ou par les médecins de ville manque à la fois d’humanité et de moyens. Les médecins et les pouvoirs publics se refusent à s’équiper et à s’éduquer afin d’apporter un traitement adapté aux patients de toutes tailles, alors que ces équipements existent. On note notamment des manquements aussi graves que l’impossibilité de prendre la tension aux patients à cause de brassards trop petits, de balances qui s’arrêtent à 110 kilos, de l’absence de lits d’hôpitaux, de tables de blocs opératoires, de fauteuils roulants et de matériel de levage pour les équipes soignantes adaptés au patients obèses. Les personnes obèses qui se font opérer en chirurgie bariatrique n’ont souvent même pas de blouse à leur taille.

Présenter la médecine française comme un modèle de performance et de traitement de la maladie obésité et des personnes obèses est un mensonge. Gras Politique s’indigne contre les mauvais traitements et soins reçus par les patients obèses et recueille des témoignages de violences médicales graves sur son site. Nous ne pouvons donc pas accepter que M6 et Potiche Prod se fassent la vitrine d’une médecine bienveillante et moderne alors que cela ne reflète pas la réalité des milliers de patients obèses maltraités.

 De plus, Gras Politique attire l’attention du CSA et des pouvoirs publics sur le potentiel dévastateur d’une telle émission sur la population concernée. La grossophobie tue et discrimine les obèses en France, se basant sur l’idée que la maladie obésité est une maladie de la volonté. On reproche donc aux personnes grosses d’être seules responsables de leur état, de manquer de motivation. Ces stéréotypes négatifs impactent la vie quotidienne des gros : discrimination à l’embauche, harcèlement de rue, climat familial nocif, etc. Faire croire qu’il existe une solution systématique à l’obésité est une méconnaissance totale du sujet, et ce faux message aura des retombées directes sur la vie de personnes obèses.

Enfin,Gras Politique s’inquiète des présentatrices pressenties pour ce projet. Cristina Cordula et Karine Le Marchand ne sont en rien des spécialistes de l’obésité, et ne sont à priori pas médecins. Cristina Cordula, malgré son apparente bienveillance, distille chaque jour à une heure de grande écoute des conseils de mode discriminatoires, sexistes et grossophobes. Karine Le Marchand gagne en partie sa vie grâce à une application de régime et de fitness, elle souhaite donc continuer à faire du profit sur les souffrances d’une partie de la population. Ces deux personnes ne sont pas concernées par l’obésité, ni dans leur chair, ni dans leur parcours professionnel, et ont pour occupation l’apparence et le divertissement. Cela va à l’encontre d’une prise en charge de la maladie obésité, qui se doit d’être prise au sérieux.

Gras Politique réclame l’annulation de ce projet.

Aidez nous en signant la pétition

Gras Politique fait le bilan du Yogras

Après plus. de 6 mois de pratique du yogras, on peut se féliciter d’avoir réussi à créer un espace safe et bienveillant pour les personnes qui en avaient besoin.
Tous vos retours ont été très positifs, et cela nous pousse à continuer l’aventure Kundalini & Gras Politique.

Gras Politique est un collectif qui ne touche pas d’argent avec le yogras. En revanche, notre professeure est une travailleuse et nous propose un cours de qualité qui lui demande de la recherche, de la préparation et de l’implication.
Les valeurs que nous défendons nous empêchent de lui demander de continuer à assurer son cours sans lui garantir une rémunération correcte.

Il faut savoir qu’à Paris un cours de yoga coute entre 18 et 30€ par heure et qu’unE profE de yoga peut considérer qu’iel est correctement payéE à partir de 50€ de l’heure.

Notre cours de Kundalini dure entre 1h30 et 2h, nous vous laissons faire le calcul.

Le principe de la donation consciente, c’est aussi d’être conscient du travail qu’elle rémunère et de l’effort fourni.
Nous ne voulons pas changer le principe d’accès au cours de yoga mais nous vous alertons sur le fait qu’il nous est impossible de demander à quelqu’un de travailler gratuitement.

Nous vous indiquons donc que la participation conseillée est de 8€. Nous sommes consciente que 8€ représente une somme importante pour certainEs et plus accessible pour d’autres. Nous nous attendons donc à ce que les efforts s’équilibrent.

La donation consciente n’est pas une occasion de vider vos poches et de donner un pourboire à la profe, il s’agit de la rémunération d’une travailleuse.
Les personnes qui oublient systématiquement de payer le cour ou de ne payer uniquement en pièces rouges, ne seront plus les bienvenues au Yogras.
Il en va du respect des valeurs sociales que nous portons également chez Gras Politique. 

Nous regrettons d’avoir à faire cette mise au point et espérons vous revoir bientôt pour chanter des mantras ! 

Amélie : “Je suis une obèse morbide de 25 ans”

Mon gros corps, mon énorme corps il dérange. Je sais pas il provoque des trucs intenses chez les gens qui le scrute.

Dans l’espace public/ avec les inconnus :

Dans l’avion ou dans le train je fais en sorte que mon gros corps il prenne le moins de place. Je me contorsionne , je réserve toujours la place côté couloir pour déporter mon gras. Ma hantise c’est gêner les gens. Mais, malgré ça, malgré ces contorsions diverses et variées, y’a toujours des gros connards pour faire des réflexions. On dirait que la peur de manquer de place fait perdre aux gens toute humanité. Ces réflexions ça va du regard dégoûté, ça passe par la messe basse/la réflexion indirect- “t’as vu le tas là comment elle prend toute la place”- à l’insulte franche et direct “sale grosse/ vache …”

Le plus souvent je fais celle qui entend pas. En fait, je comprendrai jamais la haine des gens, je sais pas mec j’ai pas violé ton chien ! Par exemple qu’est ce qui a poussé ce mec y’a pas longtemps à s’arrêter à côté de moi en voiture pour me dire ” Et la grosse tu veux pas faire du sport ? “. Son amie à côté en train de se marrer. Ok, on a pas tous le même humour, ok  pour lui voir une grosse dans la rue qui marche c’est drôle, mais vraiment, gars qu’est ce qui te fait bander dans le fait de m’humilier ? non vraiment t’aurais pu te marrer bien au chaud dans ta caisse sans me faire chier!

Ne parlons pas du net où c’est un véritable défouloir à merde!

Non, vraiment ce qui m’énerve le plus c’est les : “Non mais, il faut pas se moquer des obèses PARCE QUE certains ont une maladie génétique et pas parce qu’il mange”. Euh comment te dire va te faire enculer moi je suis grosse parce que je mange, j’ai pas de maladie génétique qui me fait gonfler par magie. En fait, connasse on se moque pas des obèses tout court peu importe la raison de leur obésité, comme on se moque pas des noirs, des maigres ou des gens fluos! Je sais pas c’est la base.

Un autre truc qui me met en rogne c’est les “mea culpa” systématique de mes consœurs bouboulesques! Par exemple : une ancienne collègue au repas à chaque fois elle nous disait ” Ah non mais moi avec ça j’en ai pour trois jours” (ouais moi avec ça j’en ai pour 2 secondes). Enfaite, tout le monde s’en fout si son bout de rôti il va lui durer 1 jour ou 3 ans, mais elle se sent obligé d’extrapoler dessus pour bien faire comprendre que si elle est grosse c’est juste parce qu’elle suce des glaçons. Je pense que le gros a tellement peur d’être jugé qu’à chaque fois qu’il ingère quelque chose il se sent obligé de se justifier. Bon  après cette collègue bouboulesque était aussi grossophobe : premier repas dans l’entreprise et madame la conne me sort : ” Non mais tu devrais pas boire ce coca avec ton surpoids”, aller vlan Simone si tu savais pas que t’es grosse et qu’en plus le coca  ça fait grossir nianiania….

Les proches/les connues :

Clairement, un des trucs qui me fait le plus chier c’est quand mes proches me désexualisent complétement . Par exemple, on laisse pas porter des charges aux femmes/filles (parce qu’une fille ça doit chier des pivoines pour eux), mais à moi si  “Aller viens par là Amélie toi t’es forte tu peux porter”, ouai j’ai l’impression d’être un bourrico. Y’a aussi quand mes proches font la bise délicatement aux autres femmes et à moi on hésite pas à me donner une bonne accolade bien franco ! En fait, ma condition d’obèse pour certains fait que je suis pas une femme baisable donc pas une femme du tout, juste un espèce de tas de gras sans sexe.

J’essaie d’être cool, , j’essaie de d’appliquer le fameux aime/assume toi et le monde t’aimera, puisque apparemment tout n’est que confiance en soi selon certains magazines.  Sauf que c’est compliqué d’avoir confiance en toi quand le monde te rappelle sans cesse que t’es qu’une grosse épidémie mondiale et que pendant les camps de concentration y’avait pas d’obèses (bon j’avoue cela est sortie par le vrai et gros connard hors complétion tellement que c’est une grosse déjection humaine).

Non je vous jure moi j’essaye de faire la grosse cool, bien dans ses baskets…. Quand tu pars en voyage avec ta promo de M2 de droit et que t’es la seule grosse à l’horizon (bon faut dire que j’ai pas vu beaucoup de gros pendant mes études) et que des gens plutôt cool font des remarques qui te mettent plus bas que terre : ” Ah non mais sur cette photo j’ai l’air carrément obèse je sais que j’ai un peu de bide mais là on dirait que je suis obèse” ,” On va au resto faire nos gros / Ohlala on a bouffé comme des gros” (Ouai les gars  moi je chie, je pisse je dors je me réveille comme un gros parce que je le suis ).

Soirée où t’es la seule grosse où les gens se foutent ouvertement de ta gueule parce que t’es grosse et qu’ils pensent que tu t’en rends pas compte…. Ou que tu te fais traiter de vulgos parce que v’la toi et ton gros corps vous avez osé danser comme tout le monde sauf que ma chérie avec ton corps tu peux pas te permettre de remuer comme ça… D’ailleurs, c’est un truc que j’ai remarqué ça, les formes un peu trop prononcées sont souvent taxées de vulgaire => exemple d’une femme à la poitrine menu qui peut “se permettre” un large décolleté vs une femme aux gros seins qui MA CHERIE doit se cacher sous peine d’être assimiler à une coureuse de rempart.

Autre réflexion/ réaction (souvent entendu/vu):” Non mais moi je suis constamment victime de harcèlement de rue même quand je suis sapée vite fais”  donc là moi je confirme en disant ouai moi aussi et là la meuf me regarde avec un air ahurie  “ah bon!?”. Alors oui les connasses nous les grosses dégueulasses les grosses pas bonne sommes tout autant victimes de cet harcèlement. Eh oui mes connes on a nous aussi bel et bien un vagin !!!
Non plus sérieusement j’imagine une obèse morbide qui va au comico porter plainte pour un viol “Mais madame c’était peut être votre seule chance de vous faire toucher!” Putain et j’exagère à peine, surtout quand j’entends les blagues de mon entourage à ce propos.

Remise des diplômes en Mars dernier, il n’y avait pas ma taille … super tout le monde nageait dans sa toge et moi j’ai du la garder ouverte… Non non c’est à peine humiliant Jacqueline…

Rien sur la grossophobie médicale parce que tu comprends si j’ai mal au crâne c’est surement parce que j’ai DU GRAS qui y est remonté …

Le boulot :

Quand on te demande si tu comptes faire quelque chose pour ton poids à un entretien d’embauche ! Quand tu mets une photo dans ton cv (sur laquelle on voit bien que t’es une grosse) et que l’on ne t’accorde même pas un entretien, alors que tes petits camarades de promo on le droit, eux,  aux entretiens (certains n’ont même pas valider le Master…).

Bah oui l’esthétique ça compte quand même … Phrase entendue à un entretien … Ouais gars je suis juriste pas la présentatrice météo de canal…

Les fringues :

Je te poses le tableau je fais un 56 autant te dire que c’est la croix et la bannière pour m’habiller…. Que je pleure à chaque fois que je passe devant un magasin du groupe inditex…

Voir les rayons grandes tailles s’amenuir ou être relégués encore plus au fond du magasin….

Mais le pire c’est quand je vois que y’ a un soit disant magasin grande taille qui ouvre à côté de chez toi. Enseigne ” Du 44 au 62″ yeah super. Enfin, bon petit youpi car c’est cher et pas très folichon mais enfin bon. Donc je rentre regarde la première partie de la boutique et la oh surprise rien qui fait plus que du 52 … la vendeuse ” euh pour les 56 c’est derrières” (je te le donne en mille, fringues encore plus moche et cher) … ok donc même dans les magasins grandes tailles y’a des séparations entre la grosse acceptable et les autres….

Un autre truc qui m’a gonflé c’est la nana qui poste un billet pour dire “ouin ouin regardez moi normalement je rentre dans un petit 40 et la j’ai dû prendre un 44 alala ces tailles chinoises”  …  Premièrement, je trouve ça dramatique de définir la beauté de son corps par rapport une taille de confection. Deuxièmement,  pas à un moment de sa longue tirade elle s’est dit que si elle avec son petit cul elle entre dans un 44 et que les tailles des magasins standard généralement vont jusqu’au 46 alors imaginons le nombre de femmes qui sont “exclues” automatiquement de ces boutiques…. Aucune once d’empathie, moi perso je m’en fous de faire un 72 du moment que je trouve ma taille partout.

Mais je pense ce qui m’emmerde le plus ce de ne pas avoir de gros autour de moi, ou en tout cas de gros qui vivent la grossophobie ( oui oui dédi à mes potesses qui me parlent de grossophobie avec leur petit 42 etam). Quand je parle de cette discrimination, mes proches la nie ou pire me sorte “oh mais Amélie si t’es pas contente maigrie”…

C’est ça le plus dur c’est de voir que les discriminations que nous subissons soient reléguées au second plan, parce que pas très grave après tout, ou pire encore qu’elles soient complétement niées.

Bref on va s’arrêter là …. (même si je t’aurais bien causé de l’image du gros dans la pop culture)

La GROSSOPHOBIE existe et je la subis tout les jours !

Anonyme, 34 ans

Je suis une femme de 34 ans .

Je fais 103 kilos (évolutif parce que je suis enceinte de 4 mois) pour 1m57 pour une taille 50 de pantalon ou 48 cela dépend où je vais l’acheter.

“Grosse”, ce mot a pendant des années été dur pour moi , je me sentais qualifiée de “sale”, “dégueulasse” et “feignante” en plus d’être en surpoids, et je n’étais à ma place nulle part. Heureusement ça passe avec le temps, mais ça dépend aussi de qui prononce ce mot. Si c’est une personne non concernée par le sujet, je le prendrais très mal.

J’ai commencé à être en surpoids à l’âge de deux ans, dans ma famille ma mère avait du diabète et a toujours fait des régimes. Son poids faisait le yoyo constamment.

Vers 10 ans elle me faisait manger comme elle et, j’ai souvent eu faim. Dans cette famille, père, mère, frère étaient tous en surpoids, j’étais la seule qui avait toujours des petites parts parce qu’une “fille qui est grosse c’est pas beau”. De même à la cantine de l’école, je n’avais pas la même part que les autres. Du coup, sans arrêt affamée, je chipais de la nourriture la nuit, et donc je ne maigrissais pas.

Vers 14 ans je subissais du harcèlement scolaire et l’on se moquait constamment de mon poids, quand je rentrais à la maison mon père me frappait et avait plus d’estime pour son chien que pour moi.

L’été de mes 15 ans quand j’étais chez ma grand-mère, je me suis mise à faire du sport et à manger peu pour maigrir. Résultat, une perte de 15 kg en deux mois. La seule fois où je rentrais dans la case « normal » dans mon IMC. Quand je suis  rentrée de vacances, j’étais trop maigre cette fois-ci, je ne mangeais pas assez. Ma mère me resservait souvent à manger. Alors j’ai tout repris, avec 10 kilos en plus … Côté études à cette période, je me rappelle qu’on m’embêtait moins mais je restais quand même dans mon coin, j’avais peur de l’ambiance du collège et de chez moi…

J’ai continué mes études dans une école de coiffure, pour le côté artistique c’était génial, et j’avais perdu des kilos sans m’en rendre compte, mais je restais en surpoids. Deux ans plus tard et CAP en poche, je cherchais du travail  et sans grand succès, « une personne en surpoids ne peut travailler dans des métiers d’esthétique », « vous devriez perdre du poids », un non à l’embauche aurait suffit..

Arrive la vingtaine. Pas de travail, toujours en surpoids, crise d’ado tardive… Je sors beaucoup en Rave Party avec des ami(e)s. Pendant un an je prends des drogues pour oublier un peu que j’ai passé des années de merde en tous points. Et je perds une dizaine de kilos. Les années qui ont suivi : yo yo poids, yo yo travail précaire, rencontre d’un mec qui n’était pas le bon, prise de pilule, stress, chômage … Résultat, 30 kilos en plus …

Quelques années après j’ai rencontré le bon mec et le poids n’a pas bougé parce qu’il m’aime pour ce que je suis. Ce fut le début de confiance en moi. Vers la même période je suis devenue végétarienne, ce fut le résultat d’un rejet de violence sous toutes ses formes. J’ai même commencé à ne plus faire de régimes et ne plus me peser, à surfer sur les pages de « l’Imagerie de Nina », « l’Utoptimiste », des groupes anti-grossophobie… Tout ça m’a menée à penser que moi aussi j’ai le droit d’exister et j’en suis contente.
J’ai alors perdu 12 kilos en un an. Je m’en suis rendue compte en allant chez le pneumologue.

Je suis tombée enceinte et j’ai pris 9 kilos, la prise de poids ne m’a pas trop dérangée, c’est plutôt le côté surmédicalisé qui est anxiogène.

MEDICAL

Je suis asthmatique et j’ai des problèmes de thyroïdes.

Dans le cadre de ma grossesse, j’ai vu une interne qui remplaçait mon endocrinologue. Elle n’a pas regardé mon dossier. Elle aurait vu que les prises de sang étaient nickel, que je n’ai pas de diabète ni de cholestérol. En revanche, elle m’a demandé mon poids et jamais je n’ai autant entendu quelqu’un me dire de « faire attention à ce que je mange », « faire un régime ». Quand je lui ai répondue qu’il était hors de question de faire un régime, sa réponse fut :  « mais vous êtes OBESE madame ». Sans m’écouter elle me rappelle aussi de faire mon test de diabète. Le test se fait à 4 mois de grossesse, j’en étais même pas à 2 mois )  et le « n’oubliez pas de le faire à jeun », comme si je passais mon temps à manger enfin j’en suis ressortie en pleurant me sentant comme une merde …

Je redoute beaucoup de soignantEs : Médecin traitant, gynécos, endocrinologues, diététiciennes …

Il y a des comportements récurrents de la part des soignantEs vis à vis de mon poids. Le « vous pesez combien ? » est toujours la première question suivie de « vous faites des activités sportives » avec un regard incrédule quand je réponds positivement .

Je crois qu’il n’y a pas de différence de traitement selon que lea soignantE est jeune/vieilleux, homme, femme … le respect c’est une question d’éducation.

Lors de l’écho, on a eu  des difficultés à voir mon bébé mais l’échographe a été super gentil et m’a juste dit qu’on ne pouvait pas le voir tout en restant neutre, c’est en discutant avec des connaissances que j’ai appris que c’était à cause du poids.

Pour que je qualifie unE soignantE de bienveillantE, il faut qu’iel m’examine comme les autres patientEs et que je n’entende pas une seule fois le sujet du poids à moins que je lui demande.

Je veux que ce soit moi qui lui en parles en premier.

J’ai quitté un cabinet une seule fois, ma remplaçante endocrinologue quand elle m’a parlé de régime, les autres fois j’ai laissé passé parce que trop habituée(lassée) des mêmes phrases

ESPACE PUBLIC

Je me sens bien dans l’espace public depuis que je ne fais plus attention aux remarques dévalorisantes d’inCONnu(e)s.

Je fais comme tout le monde  et je trace ma route

« Hey regarde ! Paul c’est ta fiancée là-bas ! », « t’as de beaux yeux mais c’est tout ce que tu as », « elle est imposante celle-là », « ah la grosse » … Voilà ce que j’entends.

DEMAIN

Je souhaite qu’on soit traité(e)s comme tous le monde et qu’on nous fiche la paix pour ce qui es du poids que ce soit dans le cadre des études scolaires, médecine, travail (qu’on ai un peu plus de chances d’être recruté(e)s).

Pas besoin de nous faire remarquer que l’on es en surpoids vu que l’on es les premiers concerné(e)s et c’est comme tout, la seule personne à s’aider en 1er c’est nous mêmes, les remarques et dénigrement ne font qu’enfoncer, démoraliser et sont contre-productifs pour la suite .

Groupe de parole 13 octobre 2016 19h

Gras Politique vous convie à son premier groupe de parole sur le thème de la grossophobie médicale à la MIE Bastille*.

Notre objectif est de nous réunir entre concerné-es par les discriminations liées à la grossophobie médicale et de créer un espace safe d’échange d’opinions et d’éxpériences.

Ensemble, nous pourrons nous réconforter, avancer contre les pratiques grossophobes, établir une liste de possibles réponses ou solutions sur ce sujet difficile. Nous pourrons évoquer les mots qui blessent, les relations aux soignant-es qui nous ont fait du mal, mais aussi ce que nous attendons d’une prise en charge médicale, ce qui fonctionne et ce que nous voulons dans le futur.

Le groupe de parole fonctionne sur les principes de l’écoute et du respect. Personne n’est obligé de parler. Une liste de tour de parole est prise pour s’assurer du temps respecté de chacun-e. Le groupe de parole sur la grossophobie médicale sera mixte (non réservé aux femmes et aux minorités de genre), d’autres seront parfois non mixtes, selon les thèmes abordés.

*Maison des Initiatives Etudiantes
50 Rue des Tournelles, 75003 Paris
De 19h à 21h

 

Caroline, 20 ans, Genderfluid

Je m’appelle Caroline, j’ai 20 ans et je suis genderfluid.

J’ai toujours été en surpoids, mais suite à une grossesse, TCA et dépression je suis actuellement à plus de 90kilos pour 1m60. Je fais du 44 en pantalon. Je me situe plutôt au milieu du spectre de la gros.se personne. Je considère une personne comme gros.se lorsqu’elle ne correspond plus aux normes sociales (donc d’un pdv socio plus que médical/santé). Disons quand la personne se situe au dessus du 40 « moyen ».

Souffrant de TCA et étant donnée l’apologie de la maigreur je comprends qu’une personne mince ou ‘socialement convenable/normale’ puisse se sentir « grosse » sans l’être pour autant. Ce qui stigmatise et oppresse d’autant plus les personnes gros.ses. La vision d’elleux-même est biaisée par des normes et idéaux dangereux (et/ou TCA ou autres).

Comme dis plus haut j’ai toujours été en surpoids et gros.se. Les médecins m’ont fait débuter des régimes dès l’enfance. J’ai toujours eu un rapport conflictuel/obsessionnel avec la nourriture et le fait de manger.
J’ai toujours été gourmande, j’aime manger. Et mes TCA (boulimie entre autre) ont accentués mes problèmes de poids.

J’avais perdu tous mes ‘kilos en trop’ avant ma grossesse et ai tout repris après celle-ci, voir même bien plus.

MEDICAL

J’ai des antécédents de dépressions nerveuses et d’addictions qui ne sont pas liées à mon poids. En revanche, je souffre de TCA et de phobie sociale qui elles y sont liées.

J’avais entre 11 et 13, je consultais mon médecin pour un contrôle de routine. Et à cause de mon poids.

Je ne me souviens pas des termes, ni même du nom de ce medecin. Simplement j’ai eu droit à un discours moralisateur sur mon corps, mon poids, et des prospectus sur différents régimes. S’en est suivi des séances chez une nutritionniste où je n’osais même pas répondre honnêtement aux questions de crainte d’être jugée ou punie. (par exemple : « choisir une image correspondant à la quantité que vous prenez lors d’un repas »)

Ce sont les gynécologues que je redoute le plus, bien que tous les intervenants du corps médical m’effraient.
Le fait de lier mon aspect physique, mon poids et ma sexualité (non-normée qui plus est) me paralyse. J’ai peur de consulter pour ces raisons.
Sans compter le fétichisme malsain des personnes gros.ses ou simplement le dégoût lié au corps nu et à la sexualité des gros.ses

Les pesées systématiques, les tiques au moment du résultat, les injonctions à perdre du poids, les conseils à deux ronds, le fait de ne pas pouvoir quitter le cabinet sans pleins de papiers sur les régimes, l’hygiène alimentaire ect.. Ce sont autant de comportements récurrents que j’ai noté chez les soignants.

Je eu le privilège de « rentrer dans moule » des outils médicaux jusqu’à présent. Mais il y aurait matière à approfondir. J’ai eu un rdv anesthésiste pour une péridurale. Le RDV était correct.

Que le medecin propose d’ouvrir la conversation sur mon poids, de manière délicate et non-jugeante pourquoi pas. Par exemple demander simplement si mon poids me convient ou si je souhaite perdre de poids en insistant sur la non-necessité d’en parler ou de mettre en place un protocole spécifique aux gros.ses.

C’est délicat, je n’ai pas envie qu’un medecin me parle de mon poids dans un sens. Si une personne gros.se veut en parler elle viendra de son plein gré et la consultation sera dédiée à la question du poids uniquement. Mais pourquoi pas laisser un ouverture pour les personnes qui n’osent pas en parler. Par exemple j’aurais beaucoup de mal à aborder le sujet de peur d’être jugée quand bien même j’aurais envie de débuter un rééquilibrage alimentaire et/ou suivi TCA contrôlé en vue de perdre du poids. Le fait d’ouvrir le sujet en toute bienveillance et sans jugement peut être une solution. Du moment qu’il n’y a pas d’injonction à suivre un régime/perdre du poids sous quelconque prétexte.

ESPACE PUBLIC

L’espace public, pour moi, c’est tout ce qui n’est pas chez moi ou personne que je sais respectueuse et non-jugeante, de confiance. Si bien que la notion de privé/public dans ce contexte est particulière. Je peux me sentir en public et vulnérable chez une personne privé si je me retrouve exposée au regard des autres.

Je m’y sens mal à l’aise et énorme comme piétinant sur l’espace des autres physiquement. Jugée et moquée.

Avant je prenais les transports en commun par nécessité car pas le permis mais je limitais tellement que je préférais faire des kilomètres à pied sous la pluie plutôt que de prendre les transports en commun. Depuis le permis+véhicule je les fuis encore plus.

Les équipements publics sont prévus et adaptés en fonction des normes sociales, soit pour des personnes non gros.ses et non-handicapé.es. Cabines/ascenseurs/passages/sièges (ciné, lieu public) trop étroits par exemple

Donc je fuis l’espace publique

” Grosse, boudin, moche, thon,  faudrait vraiment être défoncé-mort pour vouloir se la faire ” et autres dans le genre, ce sont autant d’insultes auquelles j’au eu droit dans l’espace public. Beaucoup de regards méprisant et personnes qui parlent de moi entre-elles. On m’a déjà craché de l’eau au visage sans raison et une personne à hurlé d’effroi en se retournant vers moi.
Les humiliations en cours de sport sont un mauvais souvenirs également.

DEMAIN

Pour l’avenir, je souhaite une acceptation à grande échelle et plus, beaucoup plus de visibilité (médias, mode, opportunités, travail ect….). Des équipements adaptés et du choix ! (vêtements entre autre)

Un réel travail d’éducation (grand publique mais également corps médical et sportif).

Et aussi sur tout ce qui concerne la sexualité des personnes gros.ses.

Justine : ” La grosse que je suis reste auto-grossophobe dans ses mauvais jours “

J’ai cru que j’étais grosse depuis toujours. Quand on y pense, c’est vraiment une idée bien ancrée mais pas du tout fondée. J’ai réalisé ça à la mort de ma grand-mère l’année derniére, quand ma soeur a envoyé une photo de famille et que mon premier réflexe ça a été de demander à mon copain avec des yeux ahuris “mais, en fait, je suis pas grosse là-dessus?!” Je devais avoir 8 ou 9 ans.

Bien-sûr, y’a la psy qui aide énormément et m’a ouvert les yeux en même temps que les groupes militants que je fréquente. Bien-sûr y’a du progrès mais ça reste fichtrement difficile au quotidien: la peur des chaises, des magasins qui s’arrêtent bieeeeen avant ta taille, les réflexions grossophobes quasi inconscientes (ou tellement habituelles) mais bien violentes de tes potes, de tes proches, des gens en général. J’ai courbé l’échine longtemps je crois.

Je voudrais dire que je n’ai pas connu de maltraitance médicale grossophobe mais c’est faux. J’ai envie de dire que c’est des trucs “pas si terribles” en comparaison avec ce que je lis souvent mais quand même, je bloque parce que maintenant je sais que ça a participé à une image biaisée de mon corps et plus largement de ce que je suis. Y’a eu des propos anormaux qui se voulaient bienveillants. Souvent, la médecine confond bienveillance et oppressions.
Combien de fois mon médecin de famille que je respecte pourtant profondément m’a dit, plus jeune, avec soutien de mes parents que maigrir/faire attention, c’était maintenant, que je voudrais pas peser 90 ou 100 kgs à 20 ans. Bien ouej’ les gars, bien ouej’. J’ai 25 ans et je pèse 104 kgs. Bien joué donc, la culpabilisation dans l’enfance. C’était le passage sur la balance, à me mordre les joues, à même pas regarder le résultat. M’intéressait-il au moins où était-il juste là pour m’effrayer, me juger ? Les remarques répétitives du “c’est maintenant” comme si je ne pouvais absolument pas m’épanouir dans mon corps réel, qu’il fallait que j’en fantasme un autre. En fait, c’est ça, j’ai fantasmé mon corps. Longtemps. On l’a fantasmé pour moi, aussi, beaucoup.
Et ça, c’était quand j’étais en surpoids ou en léger surpoids.
Je souffre de TCA (hyperphagie) et je suis diagnostiquée depuis un an et demi mais en vrai ça a commencé bien avant. En vrai, au collège, je cachais déjà de la nourriture pour manger peinarde, pour me réconforter, pour combler quelque chose dont je n’avais pas claire conscience. Pourtant, on m’a répété que le problème, c’était mon poids, mon poids, mon poids, qu’il fallait que j’agisse.

Et puis ce premier rendez-vous gynécologique, à 19 ans. Déjà stressant d’aller écarter les jambes devant une parfaite inconnue mais cette dernière me fait me mettre entièrement nue et me fait un commentaire froid sur mon poids “il va falloir faire attention”. J’ai toujours entendu ça. Faire attention, me surveiller, maigrir. Et je prenais ça au pied de la lettre. Et vas-y Weight watchers, les kilos en moins, la pseudo joie de me dire “bientôt, je m’aime” et les félicitations autour de soi. Quand j’y pense, c’était hyper malsain, les félicitations. Poudre aux yeux. Je me rends compte aujourd’hui, bien plus tard que c’était pas normale une telle pression sur une enfant, une ado, une jeune adulte. J’étais une enfant et j’étais punie d’être gourmande, punie de pas être comme mes copines puis punie d’être malade sans le savoir.

La médecine ne m’a pas soutenue. On m’a pas entendue quand j’ai dit “j’ai un comportement anormal avec la nourriture” parce qu’on m’a envoyé chez diététiciennes et nutritionnistes quand c’est dans ma tête que tout avait lieu. On m’a pas prise au sérieux quand je cachais mal la bouffe dans mes placards – j’appelais à l’aide sans le savoir et on m’a beaucoup disputée pour ça “mais tu te rennnnds compte des quantités, du gras, du sucre” – non. La honte m’en a empêchée. C’est venu plus tard.

Aujourd’hui, j’ai une psychologue qui me fait vivre une révolution, qui ne me juge jamais et qui s’en fout de combien je pèse. J’ai une psychologue qui a vu au-delà, qui met le point là où ça fait bien mal mais toujours avec bienveillance. De la vraie bienveillance cette fois. Aucune injonction à maigrir car ce serait criminel avec mon TCA. Elle veille sur moi pour que j’apprenne à veiller sur moi-même. C’est dur quand on peut pas s’habiller comme on veut, quand on s’empêche de faire des trucs parce qu’on a trois chiffres sur la balance.

Les maltraitances existent même quand elles paraissent minimes pour des personnes qui ne les vivront jamais ou alors elles sont trop grossières pour être vraies quand elles sautent aux yeux. Je suis grosse et je développe la peur du médecin, la crainte d’avoir une réflexion. Je suis pas allée donner mon sang depuis combien de temps, tiens ? J’ai pas fait de prise de sang depuis quand ? La dernière fois, j’ai osé dire à une sage-femme libérale que j’avais un TCA et peur de l’examen. Du coup, elle m’a pas dit de maigrir et surtout, elle m’a pas mise toute nue. Je dis pas ça pour relativiser, non. Au contraire. Je dis ça parce que ça devrait être automatique, la bienveillance, le professionnalisme and co. Ca devrait pas être un miracle qu’une psy me soigne et qu’une sage-femme ne me maltraite pas.
Bref, voilà, je suis grosse et j’ai plus envie que ce soit une fatalité, une insulte ou un prétexte pour être maltraitée. Je prends les armes et la première, ce sont les mots.