Ems, 21 ans, “Le corps médical me fait presque peur”

Je suis une femme cis bi, j’ai 21ans. Je suis étudiante et salariée à la fois. Je suis en couple avec un homme cis hétéro.
Selon le corps médical, je suis très proche de l’obésité (les histoires d’IMC tout ça…). Je mesure 1m69, pèse 95kg, et la taille 44 en pantalon commence à devenir serrée au niveau des mollets et des cuisses, donc je me dirige vers la taille 46.

Je me considère grosse. Je me réapproprie ce terme, et l’utilise donc pour me qualifier, mais ça me blesse que d’autres personnes parlent de moi en utilisant ce terme, ou quand les autres parlent de mon poids tout court.

J’ai toujours été en surpoids. À l’école primaire, forcément j’étais la risée de tout le monde, j’étais grosse, j’avais du ventre, du gras aux joues et au menton, j’avais du mal avec le sport. Au judo, pour les compétitions, j’ai toujours été dans les catégorie “lourdes”, jamais les bonnes pour mon âge. J’ai arrêté le sport à 15ans, et depuis j’ai pris beaucoup de poids… Jusqu’à mes 16 ans, j’ai souvent essayé les régimes, ça n’a jamais marché, à part pour maintenir mon poids stable pendant quelques mois.

MEDICAL

J’ai des problèmes de respiration pendant le sport et des douleurs aux tibias quand je marche/cours/monte les escaliers. A priori c’est lié à mon poids.

Je n’ai pas eu d’expérience traumatisante avec un médecin lié à mon poids. L’expérience la plus traumatisante pour moi fut un IVG, et tout le parcours avant l’intervention chirurgicale, mais rien n’était en lien a mon poids.

Je ne redoute pas un spécialiste en  particulier. Je les redoute tou-te-s. Le corps médical me fait presque peur.

Les médecins veulent toujours connaitre mon poids, alors même que parfois ça n’est pas utile ! Pour traiter des durillons au pied par exemple, ou encore pour des mycoses… Aussi, des questions intrusives suite à l’annonce de mon poids (“vous faites du sport ?” “Quel est votre régime alimentaire ?” “Vous suivez un régime ?”…)

Je n’ai pas noté de différences de traitements en fonction de l’âge du soignant, mais j’en ai remarqué  selon si le médecin est un identifié homme ou une identifiée femme. Les id. femmes que j’ai rencontré dans le cadre médical étaient plus compréhensives, moins intrusives dans ma vie privée etc.

Je n’ai jamais eu de mauvaises expériences vis à vis des outils médicaux, en tout cas pas que je me souvienne… J’ai été anesthésiée 2 fois en général et 2 fois en local. Tout s’est passé normalement à chaque fois.

J’accepte qu’un médecin parle de mon poids si ce n’est pas fait de façon méprisante, ou jugeante. SI c’est dans la compréhension, l’écoute. En revanche, je ne suis pas d’accord pour en parler si le but de la visite médicale ne concerne pas mon poids, ou si je ne suis pas en danger de santé à cause de mon poids. Ou si ça n’est pas moi qui lance la discussion.

Je n’ose pas répondre à un médecin, j’essaie de changer de sujet lorsque je suis mal à l’aise, mais je reste très intimidée et je n’ose pas faire grand chose, encore moins quitter le cabinet.

ESPACE PUBLIC

Pour moi, l’espace public est un lieu de passage, je ne m’y attarde pas souvent (sauf en cas de manif ou lorsque je suis avec d’autres personnes, au parc par exemple). C’est censé être pour moi un lieu safe, ou on ne devrait pas se sentir en danger.

Ça dépend de plusieurs déterminants (jour/nuit, événement en particulier, endroit), mais globalement je ne suis pas très à l’aise; en tant que femme, en tant que grosse…

Je prend parfois voir souvent les transports en commun, n’ayant pas le permis. Lorsque les transports ne sont pas bondés de monde, je m’y sens plutôt à l’aise, en tout cas je ne m’y sens pas en danger ou mal à l’aise.

J’ai déjà pris l’avion, de nombreuses fois. Je me sens serrée dans les sièges, entre les deux accoudoirs, c’est assez désagréable pour moi de voyager ainsi.

La taille des sièges (bancs avec accoudoirs, chaises dans les établissements publics, dans les transports etc) commence à devenir critique pour moi, parfois les accoudoirs me scient les cuisses. les escaliers, surtout en montée, c’est l’horreur pour moi. Mais je ne sais pas comment adapter ça à ma condition…

– Quelles stratégies mets tu en place pour te sentir à l’aise dans l’espace publique ?

Alors… J’essaie de m’entourer de personnes que je connais (rentrer chez moi le soir, aller jusqu’à l’arrêt de bus avec quelqu’un-e…). Je déteste être en débardeur / tshirt-manche-courtes, mais lorsqu’il fait vraiment trop chaud, j’utilise ma fine écharpe en guise de “châle”, qui me couvre les épaules, bras, et cache mon ventre. Je me sens physiquement mieux ainsi: on ne voit pas mes bras qui me complexent, ni mon ventre, je peux d’ailleurs relacher mon ventre (parce que je le garde contracté presque tout le temps, pour ne pas qu’il “dépasse” trop…). C’est un peu une carapace.

Un florilège des insultes reçues dans l’espace public : “grosse vache”, “grosse” tout court, “salope” “vu ton poids tu devrais pas manger ça” “met toi au sport” “arrête le macdo hein!” “tu me dégoutes” et sans que ça soit adressé à moi : “ohla regarde ses bras c’est dégueu” “elle devrait perdre du poids celle là” et encore, ça n’est que celles dont je me souviens !!

DEMAIN

Je souhaite la fin du fat-shaming, des discours médicaux qui prônent la minceur, des publicités qui invisibilisent les gros-se-s. Je souhaite la fin de la norme de la minceur.