« -Oh Germaine, la cliente là, elle demande un test de grossesse, tu le crois ?
-J’arrive pas à croire qu’elle se soit fait baiser déjà… (rires gras) »
Voilà ce que j’ai pu entendre, grâce à la discrétion de Josette et Germaine (pardon à toutes les Josette et Germaine) en attendant au comptoir de cette jolie pharmacie, l’angoisse au ventre.
Et oui, figure toi Germaine que j’ai des amants, des histoires d’amour parfois, et une qui est en train de se terminer en ce moment même. Quelle ne fut pas mon angoisse quand j’ai réalisé que j’avais du retard… J’ai d’abord joué à l’autruche, une sale habitude que j’ai gardé de mon adolescence et des traumatismes médicaux que j’ai subi, comme quasiment toutes les grosses que je connais. Puis au bout d’une semaine à imaginer l’horreur d’être enceinte d’un homme qui ne m’aime plus et de tout ce que cela pourrait impliquer, j’ai pris mon courage à deux mains, et suis allée acheter un test de grossesse.
Comment en suis-je arrivée là ? Parce qu’aucun gynéco n’a voulu me prescrire de pilules. J’ai un début de diabète, qui est pris en charge, mais qui ne baisse pas assez/assez vite. Les médecins préfèrent donc me laisser risquer une grossesse non désirée plutôt que de trouver une solution et me prescrire un moyen de contraception. L’une d’elle m’a dit que de toutes façons je ça ne servait à rien, que je n’étais pas le genre à en avoir vraiment besoin. Quand je lui ai demandé ce qu’elle insinuait par là, elle a tout de même eu l’audace de me répondre que prendre la pilule pour coucher une fois de temps en temps, c’était pas vraiment la peine… je… ah d’accord. (traduisons la : « tu es grosse miss, aucun mec ne va t’approcher »)
La dernière que j’ai vu m’a parlé d’une pilule qui pourrait me convenir… mais qui fait saigner tout le temps. TOUT LE PUTAIN DE TEMPS. Quand je lui réponds que non, ça ira, elle me rétorque « c’est pas comme si ça allait vous gêner plus que ça »… Je lui ai rappelé que j’étais en couple et que ça allait faire de ma vie un cauchemar, sa réponse « oh ben il a l’air déjà bien ouvert comme garçon, faut lui expliquer, voilà tout ». Ah bon ?? Ouvert parcequ’il est avec moi ? Cool… Passons sur le fait qu’avoir des relations sexuelles quand tu saignes, c’est pas le truc de tout le monde hein, mais imagines tu le coût en protections hygiéniques doc? Et l’impact sur le moral ? Et je ne sais pas, je ne suis pas médecin, mais je suppose que ce n’est pas super sain de saigner à longueur de mois ?
« Et bien alors perdez du poids et on en reparlera. » NON. Non… J’en ai assez de remettre ma vie à plus tard, de différer les choses dans cette putain de zone grise « après », dans ce monde imaginaire « quand je serais plus mince »…
Je n’ai pas pris la fameuse pilule du lendemain, premièrement parce que nous ne nous sommes rendus compte d’aucun problème sur le coup, pas de capote perdue, pas de capote qui a glissé un peu. Et puis on sait très bien qu’elle n’aurait pas fonctionné de toutes les façons, vu mon poids….
Dis donc le monde médical et pharmaceutique, ça ne te dirait pas de nous prendre en compte aussi les grosses ? Tu sais, on a une vie aussi, une vie (attention à tes oreilles chastes) sexuelle même… Truc de dingue…
Voilà. Je suis assise là avec le test négatif dans mes mains. Soulagée… je n’ose pas imaginer ce que c’est que d’avorter quand tu es grosse.
Et effrayée parce que je ne sais pas pourquoi je n’ai toujours pas mes règles, et que ça veut dire prendre un rendez-vous avec un gynéco…
Anouch